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Construction de mon canot en bois - (Article 5)

dimanche 13 novembre 2011, par grand-Pierre

Chantier de l’été 2011 - suite des opérations (mais pas encore fin).

Les conditions furent un peu difficiles cet été 2011 pour effectuer la stratification intérieure du canot. N’oublions pas qu’il est nécessaire de travailler entre 18°C et 25°C de température et avec une humidité la plus faible possible afin d’éviter les problèmes liés à l’osmose dans la masse de la résine.

Découpe et finition du plat-bord

Mais avant de stratifier il a fallu découper le bordé à hauteur de la lisse (sans entamer les membrures situées derrière) avec une scie oscillante, opération délicate et parfaitement réussie. Ensuite j’ai repris le haut du bordé en y ajoutant deux lattes de finition se superposant de 10mm d’épaisseur chacune. Enfin j’ai collé la lisse accolée à l’extérieur de la latte supérieure avec l’aide de nombreux serre-joints car le mélèze est un bois qui ne se laisse pas faire facilement !

Opération suivante : Découpe des hauts de membrures au niveau de la lisse. Pour que la coupe soit parallèle à l’assise du bateau, j’ai utilisé une règle posée entre les deux plat-bords (bâbord/tribord) pour guider la scie égoïne.

Sur cette vue, canot suspendu, on remarque la reprise de la lisse qui vient recouper les lattes remontantes et finir le bordé. (photo un peu déformée par la focale grand-angle).

Stratification : Le morceau de bravoure !

Aimeriez-vous travailler avec un masque, des gants de chirurgien et une matière pégueuse comme le miel et toxique qu’il faut mettre en œuvre rapidement sous peine de durcissement prématuré ? C’est le prix à payer pour stratifier la coque avec deux couches de toile de verre de 160 gr/M² et une résine de haute performance résistante aux UV. Il existe des durcisseurs (le deuxième composant du système) adaptés à différentes températures de travail. Mélange = 3 (résine) pour 1 (durcisseur) en remuant doucement pour ne pas intégrer de l’air au mélange.

Les nombreuses découpes de volume entre les membrures et tout le linéaire (80m environ) que cela représente ont demandé beaucoup de temps et de patience avant d’être enrobées avec le textile et la résine.

On peut appliquer les lés entiers pré-découpés d’avance en les faisant remonter le long des membrures ou procéder par bandes. Dans ce dernier cas, les bandes doivent se recouvrir sur 5 bons centimètres au grand minimum. La technique ressemble à la pose de papier-peint. Il faut "maroufler" soigneusement la toile de verre qui a tendance à se déformer dans tous les sens car elle est tissée de façon très lâche. Mais c’est cette particularité qui autorise la stratification des formes cursives.

A chaque application de la toile de verre sur la résine fraiche, il est nécessaire de "débuller", soit en tapotant avec le bout du pinceau, soit en utilisant un petit rouleau rigide pour écraser les poches d’air et appliquer parfaitement la toile sur la résine. Une heure ou deux après environ (mais pas plus) il faut redonner une couche épaisse de résine. De cette façon, une fois le système durci, le ponçage, avant de passer à la couche suivante, pourra être donné, sans abraser la toile, protégée par une épaisseur de résine. Ce ponçage (obligatoire pour un bon accrochage) est impératif avant chaque nouvelle couche sur la résine sèche.

Après application du système, le bois est parfaitement apparent sous une couche brillante de résine. La toile de verre étant bien sur invisible. L’absence de pigment oblige à utiliser une résine epoxy anti-UV (Epoxy 1070 Clear) assez onéreuse mais de très bonne qualité. (Utilisée notamment pour la fabrication des planches de surf).

Après mélange des deux composants, verser la résine dans un récipient large et plat de façon à répartir la matière en surface. Sans cela la résine, stockée en masse compacte, polymérise trop vite en chauffant très fort, ce qui ne laisse pas le temps de la travailler.

Les outils doivent être nettoyés (avant la prise de la résine) avec de l’alcool ménager. Pour le pinceau, je le replace une fois essoré dans un bocal à confiture hermétiquement clos et dans un bain d’acétone. Il suffit pour le réutiliser de le sécher sur un chiffon et d’attendre que l’acétone soit complètement évaporée. Attention car si l’alcool ne dénature pas la résine, l’acétone elle, le fait. N’utilisez que des pinceaux naturels (soies de porc) et surtout pas de synthétiques qui ne résistent pas à l’acétone. Pour les grandes surfaces, on utilise un rouleau acrylique. (usage unique obligé mais attention aux poils baladeurs car on utilise un rouleau neuf à chaque application).

Le fameux "joint-congé"

Toutes les membrures reçoivent un "joint-congé" pour les lier solidement à la coque. On ajoute des microfibres de cellulose à la résine fraiche en mélangeant bien de manière à obtenir une pâte un peu ferme. Ensuite on réalise le joint-congé avec une spatule arrondie (un peu comme on pose le mastic sur les vitres) en n’ayant pas oublié d’enduire au préalable la zone à traiter d’une couche de résine pure pour l’accrochage. Les bavures du joint seront enlevées dans le frais avec une spatule droite. Il faut prendre le coup de main.

La deuxième couche de tissu de verre est appliquée par-dessus le joint congé. Solidité garantie !

A l’endroit du raccord entre les deux pièces de bois utilisées pour la quille, un sandwich de bois et de résine est utilisé pour renforcer le système. Il serait ennuyeux que le canot se casse en deux dans les vagues !

Les bancs

Les journées pluvieuses ou bien trop chaudes et donc sans stratification possible m’ont laissé du temps pour des tâches plus sympas comme la réalisation des bancs et de la structure du pontet de proue.

Les bancs sont en robinier (ou faux-accacia), essence locale très résistante et imputrescible en principe. L’objectif est de laisser le bois apparent sans le stratifier, de même que le caillebotis de pont, pour une meilleure adhérence et aussi pour éviter d’avoir un aspect fini "tout résine" et donc brillant. Une seule couche d’huile, utilisée pour les ponts de Teck sera donnée avant la mise à l’eau.

Les serres

Il ne s’agit pas de celles d’un rapace mais des lattes qui courent le long du bord interne du canot et lient les membrures entre elles. Celle du bas se nomme "serre de bouchain" et l’autre, la serre bauquière, affleure la lisse en réunissant entre eux les hauts des membrures (ou couples). Encore un rude effort et pas mal de serre-joints pour mater la nervosité du mélèze !

Les serres sont réalisées avec deux lattes de 10x60mm superposées et vissées/collées entre elles et sur les membrures. Cela pour faciliter le cintrage qui serait difficile en une seule épaisseur de 20mm.

Le pontet

A la proue l’avantage de réaliser un petit pontet est multiple : Il structure l’ensemble solidement et permet l’accès au canot en montant dessus ou bien de s’y asseoir. Il protège des embruns et éclaboussures et sert aussi à ranger plein de choses en-dessous (ancre - bouée etc.).

A noter que sur ce cliché la serre de lisse n’est pas encore posée. Elle nécessitera de recouper le "barrot" (traverse du pontet perpendiculaire a la quille) au niveau de l’assemblage.

Sur cette structure simple (mais pas les coupes à réaliser !), des lattes de 15x60mm en robinier seront collées de part et d’autre de la baguette centrale. Une légère pente sera respectée de chaque coté pour évacuer l’eau.

Voila. J’ai sorti mon objectif de 20mm pour prendre ce cliché qui donne des airs de crocodile au bateau tant la déformation est importante ! Le premier compartiment que l’on peut voir derrière la proue, sera "moussé" et constituera une réserve de flottabilité en cas de problème.

A présent le chantier est en bonne voie, la ferrure inox de la quille (40x10mm) est commandée chez le ferronnier du coin et le moteur hors-bord Mercury 4 temps et 4 CV est prêt à être installé. Sans oublier la remorque routière légère qui attend en pièces détachées.

Mais l’automne est hélas déjà là et le premier "épisode cévenol" (fortes pluies d’automne), et une humidité trop importante, m’a imposé la fermeture du chantier jusqu’à la prochaine belle saison.

Rendez-vous donc pour la suite et fin de cette aventure en 2012...
D’ici là, joyeux noël et aussi... joyeuses Pâques !

GP

DERNIÈRES NOUVELLES :

Un malencontreux accident en mai 2012 ne m’a pas permis de terminer mon ouvrage durant l’été. (Avec un corset rigide pendant trois mois, toute activité était réduite à sa plus simple expression). La fin de l’histoire est donc reportée au printemps 2013. Ce canot, c’est décidément l’école de la patience !

Lire la suite : Construction de mon canot en bois - Article 6

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J’oubliais une dernière chose : La visite de mon chantier par un compagnon charpentier de marine qui m’a décerné une médaille en chocolat pour ce travail et un brevet de navigabilité.