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Alerte à l’américanisme galopant !

samedi 30 septembre 2023, par grand-Pierre

Une "fixette" sur la francophonie menacée par les anglo-saxons ?
Ou une surdose due à l’invasion culturelle américaine ?
A vous de juger.
En fin d’article : « Ces gros beaufs qui gouvernent le monde »

Nouvelles normes insidieuses

On pourrait comparer notre belle langue de Molière menacée par l’immigration des vocables américains à l’extinction silencieuses des espèces composant la biodiversité. Sans bruit, sans faire de vagues, le langage américain, les expressions américaines supplantent insidieusement leur équivalent dans notre langue. Et le phénomène est en évolution ascendante, saturant les écrits, les émissions, la variété, et même les discours, bref l’espace public et culturel, avec ce déferlement d’idiomes nous parvenant d’outre atlantique.

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Vous prendrez bien un café ?

Et alors ? Me répondent les jeunes qui n’y trouvent rien à redire. Qu’est-ce que ça peut faire ? Biberonnés aux anglicismes et au vocabulaire états-unien ils ne perçoivent pas du tout mon inquiétude de vieux retraité.

Vieux sans doute mais pas si bête car rien n’est naturel ni gratuit dans nos sociétés et ce qui m’interpelle ce sont les conséquences qu’une telle situation peut engendrer. On sait que le développement de l’informatique et du Net a démarré aux USA et que son vocabulaire s’est exporté en même temps que cette nouvelle technologie. Est-ce à une certaine insouciance et à la flemme de développer notre propre vocabulaire informatique que nous avons laissé l’américain envahir notre langue en profondeur ? [1]

Ce phénomène ne se restreint pas à une allergie que certains mauvais coucheurs auraient contracté au contact d’un vocabulaire étranger. Il ne s’agit donc pas dans mon propos de xénophobie.

Un occident américain

Une des contradictions de l’Union européenne, que j’avais relevé dans un article précédent, consiste à utiliser la langue anglaise, non pas officiellement bien entendu, mais de fait en pratique lors de tous les échanges hors traduction entre ses membres, certainement les plus nombreux. Or justement, avec le brexit, le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. L’Europe, par la force des choses, utilise donc quotidiennement la langue d’un pays tiers ! Cela constitue notablement un paradoxe.

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Deux grands esprits de part et d’autre de la Manche

Mais Shakespeare contre Molière ce n’est pas ce qui me pose le plus de problèmes. Ce qui me pose problème c’est l’autonomie de façade de l’UE vis à vis des Etats-Unis. A mon âge avancé je n’ai aucune chance de connaître une Europe des valeurs, libre, indépendante et fédérée. J’ai voté non au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel ultra-libéral qu’on nous proposait, justement à cause de ces valeurs qu’il ne représentait pas. On nous l’a resservi une année plus tard, sans vote cette fois-ci, sous la forme du traité de Lisbonne. Un véritable déni de démocratie.

Il n’est pas nécessaire, à l’image de cet imbécile de Poutine, d’envahir militairement une nation pour la contrôler. Il est même préférable et plus productif de la protéger tout en travaillant à établir avec elle des règles communes et à l’investir sur le plan culturel. La guerre ne profite en définitive qu’aux complexes militaro-industriels.

Tandis que la culture, elle, peut représenter un point d’entrée infaillible pour s’assurer de la vassalité d’un pays. Enoncés de la sorte, ces propos peuvent paraîtres outranciers et en choquer certains. Pourtant la banalisation de la culture et du vocabulaire d’outre-Atlantique contribuent à maintenir notre pays dans la sphère d’influence des Etats-Unis. Et ceci à bas bruit et sans douleur. Malheureusement nous devrons en payer le prix à terme lorsque le tiers de la population française ne parlera plus qu’un sabir franco-américain. Nous sommes comparables à cette grenouille plongée dans une casserole d’eau froide que l’on met sur le gaz et qui ne se rend pas compte que la température augmente progressivement... [2]

Si ce problème ne concernait que la France, cela se saurait mais il se rencontre un peu partout hélas en Europe et rares sont les états qui résistent à l’américanisation galopante de leur culture.

Capitalisme et occidentalisme

Sauf à faire preuve de naïveté il est impossible de séparer les différents aspect culturels, financiers ou militaires. Sur ce point la commission européenne marche sans faillir sur les traces du néo-libéralisme américain sans d’ailleurs aucune transparence ni légitimité car elle n’est pas élue.

Il est significatif que la défense européenne soit sous le contrôle de l’OTAN, création de l’après-guerre pour faire pendant au Pacte de Varsovie, le bouclier militaire des républiques soviétiques. En 1949 le traité de l’OTAN fut signé entre dix nations ainsi que le Canada et les Etats-Unis. Aujourd’hui ce sont trente-et-une nations qui l’on adopté y compris la Suède et la Finlande traditionnellement neutres. [3]

Depuis l’implosion de L’Union Soviétique, le Pacte de Varsovie n’existe plus. Mais l’OTAN si ! De 1999 à 2004 ce sont tous les pays de l’Est, frontaliers de l’Ukraine et de la Russie qui ont souhaité s’abriter sous le parapluie nucléaire de l’OTAN. Des radars et des missiles ont été ainsi installés aux confins de la Russie. L’Ukraine elle-même est postulante.

Pour les Etats-Unis, tous ces petits états réclamant leur protection (1999/2004) leur ont permis d’élargir leur zone d’influence européenne au détriment peut-être des adhérents de 1949 à 1955 ayant réalisé depuis l’Union et qui se retrouvent maintenant au sein d’un OTAN élargi ce qui réduit évidemment leur représentativité et leur pouvoir décisionnel.

La guerre

Certains libéraux, au vu de la situation actuelle et de l’invasion de l’Ukraine y voient la justification de ces adhésions à l’OTAN. Ce n’est pas le cas du général Vincent Desportes, qui fut entre autre attaché d’ambassade aux Etats-Unis, qui analyse la situation européenne depuis 1991 comme un « ratage » par les nations européennes de leur politique post-soviétique.

En pleine guerre froide la rivalité entre les USA et l’Union Soviétique, omniprésente en Europe, se traduisait généralement par un antisoviétisme exacerbé et des générations entières ont été imbibées par les excès de la propagande qu’elle provienne d’ailleurs d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. La presse parlait systématiquement à cette époque pour désigner les russes : « Du bloc soviétique » et pour les USA : « Du pays de la liberté » !

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1951 - Affiche du mouvement antisoviétique "Paix et liberté"

Après cette période sombre, [4] on aurait pu espérer que des traités garantissant la démilitarisation et la sanctuarisation des frontières en 1991, des échanges développés et conséquents, qu’ils soient culturels, scientifiques ou commerciaux, auraient pu permettre de stabiliser l’après guerre froide et d’instituer peu à peu la confiance qui manquait entre l’Est et l’Ouest. Mais c’est l’OTAN élargi qui prit le relais, constituant finalement plus un problème qu’une solution de paix.

La guerre en Ukraine, majoritairement soutenue par les armes américaines, (même celles fournies par l’Europe sont en partie américaines !) conforte , après l’influence culturelle, celle militaire et dominatrice des Etats-Unis en Europe. Merci monsieur Poutine pourrait s’écrier monsieur Biden ! Les européens rachètent aux Etats-Unis les armes qu’ils fournissent à l’Ukraine et en prime je vends aux européens mon gaz de schiste liquéfié ! Sans compter que mon OTAN n’a jamais été si puissant !

Sans les USA donc, point de salut et... Point d’Europe non plus.

Exemple à ne pas suivre

Il fut un temps que j’ai personnellement vécu après guerre ou le libérateur américain, avec le plan Marshal et l’arrivée des tracteurs et des premiers frigidaires désignait l’Amérique comme le paradis des familles selon les critères de l’American way of live.

Ce pays lointain et si proche dorénavant avec le développement de l’aviation civile, ce vainqueur des forces de l’Axe, ce détenteur de l’arme absolue fascinait ces pauvres français arriérés, si facilement vaincus en quarante et qui n’avaient que leur général De Gaulle pour faire un peu oublier le déshonneur de la collaboration.

Le modèle américain était né avec le cow-boy Marlboro et il aura la peau dure dans l’imaginaire des européens. Les médias de l’époque, repeints de fraîche date aux couleurs du patriotisme se faisaient l’écho permanent des nouvelles d’outre-Atlantique et l’on pouvait pour quelques centimes aller regarder à Cinéac-Montparnasse les actualités (en direct du Monde libre) de la Fox Movietone.

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Affiche d’après guerre

Sur les murs parisiens fleurissaient les inscriptions « US go home », du parti communiste français d’alors, admirateur inconditionnel du camarade Joseph Staline.

Les forces américaines se sont retirées de l’hexagone en 1967 [5] sur injonction élyséenne et l’on pu croire quelques temps que la France avait retrouvé sa totale indépendance en tant que puissance nucléaire. Quarante années plus tard, Nicolas Sarkozy réintègrera la France au commandement de l’OTAN. L’indépendance de notre défense n’aura connu qu’une bien brève existence.

Pourtant durant ces quarante années la géopolitique des USA en s’appuyant sur la CIA (Central Intelligence Agency) n’a pas évolué. Son impérialisme de même que celui de l’URSS a capitalisé les alliances avec des régimes plus que douteux. Voici une énumération des interventions des Etats-Unis, toutes en dehors de la légalité, et destinées à soutenir ou à mettre en place par la guerre, l’intrigue, la violence et l’assassinat des régimes fantoches autoritaires en faisant de ceux-ci leurs obligés. Toutes ces opérations criminelles menées, il va de soi, au nom de la liberté.

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Toujours fidèle (Devise des marines)

Grèce - Porto Rico - Corée - Guatemala - Liban - Iran - Vietnam - Laos - Cambodge - Brésil - Congo - Indonésie - République dominicaine - Honduras - Salvador - Nicaragua - Chili - Panama - Saint Domingue - Cuba (Baie des cochons) - Afghanistan - Grenade - Haïti - Irak

Cette énumération suffit à détériorer quelque peu l’image du grand frère protecteur et bienveillant épris de liberté.

Société américaine

Ce grand frère américain ne va pas si bien que cela. Il est politiquement déchiré et socialement en régression, surtout depuis la crise dite des subprimes en 2008 qui mit des dizaines de milliers de familles sur le pavé. Les financiers se gavent tandis que les pauvres paient la facture.

Il subsiste encore depuis la guerre de sécession un problème racial aux Etats-Unis, jamais vraiment résolu et malheureusement d’actualité. La violence d’un peuple qui s’est armé individuellement comme pour faire la guerre, la consommation exponentielle de drogue et les rivalités entre les réseaux de trafiquants qui alimentent ce gigantesque marché engendrent un nombre de victimes surréaliste chaque année qui finit par ne plus choquer personne. On peut y ajouter les violences policières et les massacres de masse dans les établissements scolaires. La statue de la liberté doit se sentir quelquefois bien seule au milieu de son bassin newyorkais.

L’endettement gigantesque des USA garanti par le dollar qui domine les marchés mondiaux jusqu’à présent, pourrait aboutir à terme à un crash financier gigantesque et encore jamais vu si une autre monnaie prenait sa place.

Suis-je un occidental ?

Ce sont tous ces éléments réunis qui m’amènent à sérieusement réfléchir sur la soi-disant indépendance, culturelle, financière et pas militaire de l’Union Européenne. Les conditions objectives de cette indépendance n’étant pas réunies.

La prétention européenne à offrir l’image apaisée de la liberté, de la solidarité et de l’écologie laisse de nombreuses zones de sa politique dans l’ombre. Pourrait on « élire » une commission par exemple qui ne soit pas attentive aux intérêts américains ? J’en doute fortement.

De plus le modèle américain, son exigence de liberté confronté à un libéralisme sauvage et agressif ne font pas de lui un exemple à suivre pour les autres peuples. Cette société malade, nous en avons malheureusement les répliques en Europe comme dans tant d’autres nations du monde. Et, chose pire encore, nous ne voyons pas d’alternatives acceptables au capitalisme chez les impérialismes émergents en concurrence avec les USA, mais plutôt des régimes autoritaires, voir carrément autocratiques.

Les gros beaufs

Autre question et de taille : Serait-il possible de gouverner démocratiquement une nation qui ne le serait pas ? Ou qui n’y serait pas coutumière ? La solidarité, la justice, l’égalité, la volonté de vivre en paix sont des valeurs fortement contrebattues de nos jours par les consciences manipulées des peuples soumis à des régimes personnels, ceux des « hommes forts ». (USA (Trump), Russie, Chine, Inde, Turquie, Iran, Arabie Saoudite, putschistes africains, Egypte etc.). Ces derniers pour perdurer et assurer leur pouvoir sont contraints de s’appuyer sur des conflits perpétuels et de désigner un ennemi potentiel à la vindicte de leur population. Le scénario est toujours le même à quelques variantes près.

Ils sont souvent milliardaires et captent la confiance des plus pauvres et des moins instruits (et ils sont nombreux !). Mais gare à ceux dont la soumission est mitigée. Ce sont alors des terroristes, des traîtres, des déserteurs qu’il faut éradiquer pour protéger la nation de ces dangereux criminels.

Dans ce monde de « gros beaufs » autocrates voir théocrates et de leurs fanatiques ou de leurs obligés, les nations européennes démocratiques sont désormais plutôt isolées et minoritaires. Le pouvoir dans le monde appartient toujours et encore à la force, au moins autant et sinon plus qu’a l’époque moyenâgeuse.

Le processus de la prise de pouvoir est étonnamment simple : Si vous y parvenez, qui que vous soyez, et par n’importe quelle méthode, il vous sera suffisant par la suite de gouverner « fermement » votre personnel politique, vos militaires et vos classes sociales qui ne pourront plus alors vous destituer sans prendre de très gros risques. (Ex. Erdogan - Bachar el Assad - Poutine - Loukachenko - al Sissi etc.) Le mode d’accession au pouvoir et le pouvoir lui-même autorise donc une poignée d’hommes sans scrupules dans le monde (et moins de femmes) à piétiner la démocratie et à menacer la paix. On pourrait dire la même chose du milieu financier dominant la sphère monétaire à son seul profit.

La recette du pouvoir, qui semble si élémentaire, installe sur le trône une minorité difficilement révocable pour administrer la multitude humaine. Mais la multitude n’est ni unie ni organisée, elle n’est pas le plus souvent informée mais manipulée et redoute le pouvoir qui la contraint ou la menace. Les sociétés démocratiques, si elles ont acquis par les luttes sociales des droits qui les protègent, n’échappent pourtant pas aux manipulations et aux intimidations. Ni au risque politique.

Les citoyens appartenant à ces dernières ont une responsabilité de vigilance accrue face aux populistes afin que ces démocraties conservent le cap et ne tombent pas entre les mains des « gros beaufs » que j’évoquais plus haut.

La démocratie : Une lutte plus que jamais d’actualité.


[1Qui, comme je le fais systématiquement parle encore de courriel plutôt que d’e-mail ? A ce niveau les québécois ont de l’avance sur les français.

[2Image qui prend également son sens à propos du réchauffement climatique !

[3En cours d’instruction

[4Nous avons bien failli connaître la guerre atomique avec l’affaire des missiles à Cuba en 1962.

[5Mais en 1967, année de ma conscription, je retrouvais les forces américaines en Allemagne à Kaiserslautern où les GI étaient 45 000 contre 3000 français !