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Brexit : Le royaume désuni

vendredi 24 juin 2016, par grand-Pierre

Avec une courte majorité, les britanniques ont voté pour la sortie de leur royaume désuni de l’Union européenne.

Ah ! Vous pouviez toujours gueuler, manifester contre les prédations du néo-libéralisme européen et la crise qui s’en est ensuivie ; rien n’y faisait. Vous pouviez voter non au projet de traité constitutionnel ultra libéral de 2005 et le faire sortir par la grande porte ; on vous le repassait par la fenêtre en décembre 2009 avec le traité de Lisbonne et cette fois-ci sans référendum.

Les européens convaincus qui, comme moi, ne veulent pas d’une Europe capitaliste livrée aux appétits insatiables de la haute finance, mais pensent que l’Europe des peuples fédérés serait la meilleure des garanties contre les aventures en tous genres sont donc restés sur leur rêves.

Cette Europe versus démocratique et sans nul doute fédérée pourrait tirer les nations vers le haut plutôt que les diviser et exacerber les nationalismes. Il y a tant de choses à faire !

La forteresse bruxelloise

Malgré tous les combats menés contre le néo-libéralisme financier par les gauches de gauche européennes, celui-ci, confortablement installé à Bruxelles, disposant de tous les pouvoirs y compris, dans une large mesure, du levier des grands médias, a feint d’ignorer la montée de l’extrême-droite que sa propre politique austéritaire avait engendré.

Soulignons que le royaume-uni a toujours été le chantre du néo-libéralisme européen tout en s’exonérant par ailleurs de rentrer dans la zone euro.

Paradoxalement, l’Europe des riches, des malins, voir des filous, [1] de ceux qui sont partie intégrante des classes instructionnées et nanties vient d’essuyer un premier revers d’importance par les populistes britanniques. Ce que la gauche n’a pu faire en France et dans d’autres pays de la communauté européenne, les prolos anglais, nourris de propagande xénophobe et nationaliste, l’ont fait...

Mais hélas à leur manière. Leur vote sera-t-il respecté ? Certains se posent déjà la question d’une sortie lente ou rapide, sévère ou tolérante, le mieux pouvant être bien évidemment pas de sortie du tout si c’était possible ! Mais ce ne serait pas la meilleure manière de reconstruire l’Europe avec les peuples !

J’ai écouté ce matin sur les ondes une députée centriste déclarer : "On ne pourra pas construire l’Europe sans les peuples". Et... J’ai éclaté de rire ! Le brexit aura au moins permis à cette bonne dame de découvrir cette vérité profonde. Mais n’est-il pas déjà trop tard ?

Le royaume désuni

Après ce séisme européen les britanniques se retrouvent gravement divisés ce qui augure mal de la suite.

L’Ecosse et l’Irlande pourraient également se désolidariser du RU pour recoller au train européen. La porte est désormais ouverte aux revendications diverses de territorialité en Europe, pour des nation comme la Pologne ou la Hongrie. Et pourquoi pas les séparatistes comme les Basques, les Corses et les autres minorités européennes ? Un brave tintouin.

Disqualifiés

François Hollande nous déclare solennellement qu’il faudra être à la hauteur... Il réclame une Europe avec des projets, une vision et moins de textes contraignants. Lui qui s’est toujours aplati aveuglément devant les stratégies politiques d’Angela Merkel et l’austérité infligée aux populations (pour les punir des dérives financières des banques) est plutôt mal placé pour évoquer "Une vision". Ni d’ailleurs prétendre être "à la hauteur".

La livre et l’euro dégringolent et les bourses semblent très inquiètes sur l’avenir immédiat. Les conséquences du vote britannique à court terme ne peuvent encore être correctement évaluées. Mais à plus long terme, il me semble évident que les caciques des stratégies européennes n’auront pas pris, ou pas voulu prendre la mesure de l’explosion qui vient de se produire.

Ils n’avaient pas tiré la leçon du référendum de 2005, alors comment pourraient-ils modifier la doxa européenne, eux qui sont à l’origine de la plupart des directives libérales imposées aux peuples ? [2]

Il faut bien tenir compte du fait que ce sont les territoires anglais les plus dévastés par la crise qui ont voté majoritairement le brexit.

Des soins palliatifs ou une opération à cœur ouvert ?

Les commentateurs du brexit auscultent fiévreusement les bourses de Londres et de Tokio, mais en faisant le plus souvent l’impasse sur l’analyse critique du système économique et anti-démocratique de l’Union européenne, ils risquent de ne pas voir la forêt qui se cache derrière l’arbre.

Balayer les paradis fiscaux, limiter l’intervention des lobbies, adopter une forme d’harmonisation fiscale européenne, [3] séparer réellement les banques de dépôt des autres et assurer la vie réellement démocratique de l’Europe n’a jamais été la priorité. Les oligarques et les lobbies de tout poil n’ont guère besoin de fédéralisme et de démocratie pour mener à bien leurs petites affaires.

Le muguet de Lepen ne sent pas la rose...

Plutôt l’extrême-droite qu’une Europe démocratique

Alors après le brexit, les xénophobes nationalistes français, mais aussi ceux de nombreux pays européens, pourront enfin rêver de prendre le pouvoir en s’inspirant des britanniques et le grand retour à la case départ pourra commencer pour l’Europe. [4]

Le seul combat à mener, la seule issue à la crise actuelle, c’est de défendre l’Europe contre l’ostracisme instillé à haute dose aux populations européennes. C’est aussi de la déparasiter de fond en comble de son gros vers intestinal qui nous la rend si vilaine.

Car les lendemains qui chantent de la gauche, si l’Union européenne venait à capoter, risqueraient bien de sonner faux...


[1Les délinquants fiscaux des Panama papers par exemple.

[2Monsieur Junker ne vient-il pas de prétendre faire adhérer l’Europe au traité de libre-échange avec le Canada sans que les parlements nationaux ne puissent se prononcer ?

[3Le fond du problème fédéral.

[4A une autre époque, pas si lointaine, la droite française prônait : "Plutôt Hitler que le Front populaire"