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Selon notre bon plaisir...
Raoul Marc Jennar dénonce le pacte budgétaire
vendredi 21 septembre 2012, par
Le jeudi 20 septembre à Ganges, Raoul Marc Jennar, juriste constitutionnel, docteur en sciences politiques, est venu parler du traité qui va être soumis aux parlementaires en octobre.
A l’initiative du Front de Gauche bien sûr car les autres partis politiques font comme la presse en général : Ils évitent soigneusement d’aborder et surtout d’approfondir le sujet.
Raoul Marc Jennar est membre du Parti de Gauche
Au royaume de l’oligarchie
Si tel est notre bon plaisir, une formule qui, prononcée par une altesse royale avait un caractère définitif et sans appel.
Le roi pouvait en l’invoquant vous jeter au cachot à vie ou vous contraindre à lui abandonner vos biens et votre bourse. Mais un prince sage ne l’utilisait toutefois que rarement à de telles extrémités. Puis ce fut le temps des parlements qui vinrent tempérer la volonté royale (ou divine) en décidant eux-mêmes quel serait le montant des prélèvements et pour quelles dépenses.
Ce pouvoir historique du peuple, transmis ensuite par des générations de délégués républicains consiste à voter les finances, recettes et dépenses. Aujourd’hui, nos collectivités territoriales ne font pas autre chose lorsqu’elles délibèrent sur le débat d’orientation budgétaire et qu’ensuite elles votent les différents budgets.
Mais ce serait oublier nos oligarques perpétuellement à l’affût de quelques mauvais coups à porter à la démocratie, que de penser que les droits du peuple à se gouverner sont intangibles et gravés dans le marbre de la constitution. Les gigantesques mouvements de capitaux qui balayent sans relâche les corbeilles des places financières internationales n’ont que faire des exigences démocratiques de la gestion des finances.
Un pouvoir historique dites-vous ? Mais l’histoire ne nous apprend-t-elle pas que tout peut et doit changer ? Les règles ne sont-elles pas faites pour évoluer ? Soyez de votre temps au risque sinon, de vous retrouver d’un autre âge, nous menacent les communicants des financiers !
Europe certes, mais pas pour n’importe qui
Jennar nous explique patiemment, Power Point à l’appui, comment les différentes étapes de la construction européenne ont peu à peu dessaisi les peuples de leur pouvoir de gestion des finances publiques.
CECA (1950) - Traité de Rome (1957) - Acte unique (Delors 1986) - Maastricht (1992) - Lisbonne (2007) et enfin aujourd’hui, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance dans l’Union Européenne (TSCG ou pacte budgétaire). Ma génération de seniors a vécu la chaotique mise en place des mécanismes européens comme l’instrument compliqué de la paix et de la coopération. Du moins le croyait-on à l’époque.
Les véritables maçons de l’Europe ne furent pourtant pas les peuples mais les lobbies bancaires et les multinationales. Sous le masque de l’idéologie libérale elles se sont aménagées un espace pour jouer et pour que leurs capitaux placés crachent au plus vite leur confortables dividendes avec le minimum de contraintes.
Réponse à la crise
On pourrait imaginer un instant, après le déclenchement de la crise (2008), de voir nos banquiers, les grands financiers et leurs traders faire profil bas et se flageller le dos pour avoir ruiné des centaines de milliers de personnes et avoir mis les états, même les plus riches, en difficulté avec leurs produits irrécupérables (subprimes) et la spéculation sur les taux d’intérêt liée aux prévisions des agences de notation (récession et chômage massif).
Se serait mal les connaitre ! En lieu et place de regrets et de flagellation, ils ont monté avec leurs amis politiques le MES en mars 2012. Le Mécanisme Européen de Stabilité est en réalité une institution qui a son siège au Luxembourg (Paradis fiscal) et est dirigé par un Conseil des gouverneurs.
Cette institution peut lever des fonds publics ou privés. Elle n’a de compte à rendre à personne et jouit d’une immunité complète vis à vis des états et de leurs parlement. Par contre, elle peut saisir la Cour Européenne de Justice qui dispose d’un pouvoir considérable pour contraindre les états à verser leur part dans des délais raccourcis (7 jours). Le MES ressemble à s’y méprendre à un nouveau FMI, version européenne. [1]
Là ou ce mécanisme prend tout son sens, on le découvre dans les "conditionnalités" à respecter pour recevoir une aide financière. On retrouve ici l’idéologie ultra-libérale et sa volonté imprescriptible de démolir les acquis (niveau et date de départ en retraite - niveau des salaires - droits sociaux - services publics - santé et sécurité sociale etc.)
Pendant que ces lugubres conditionnalités s’appliqueront avec les dégâts sociaux que l’on peut imaginer pour les citoyens, le cycle fatal prévu par le MES enrichira les banques, ce qui est le but ultime. Le système est le suivant : La Banque Centrale Européenne prête aux banques à taux nul ou insignifiant. Celles-ci prêtent alors au MES (hors de tout contrôle), le MES prête enfin aux états en difficulté en fonction d’une trajectoire d’effort structurel. (vous apprécierez la poésie oligarchique).
La boucle est bouclée. Les gagnants et les perdants sont désignés. Il n’y a plus qu’à faire valider le TSCG par les états signataires.
Deuxième étape : le TSCG - Le parlement se coupe les pieds
Monsieur Hollande, ce dangereux trotskyste, a déclaré lors de sa campagne électorale qu’il n’organiserait pas de référendum pour le TSCG car celui-ci ne serait pas adossé au MES. Mensonge pur et simple. [2] Les états signataires ne pourront avoir accès aux aides du MES que s’ils ont signé le TSCG.
Ce dernier s’il est ratifié par le parlement français instituera l’amputation des pouvoirs parlementaires de décision et de contrôle sur la politique budgétaire. Un parlement qui se coupe les pieds lui-même !
Il rendra obligatoire le respect de la règle budgétaire (fameuse règle d’or) qui consiste à interdire un déficit [3] supérieur à 3% du PIB et à limiter la dette publique [4] à 60% du même PIB. Ensuite il interdira de dépasser un déficit structurel à plus de 0,5% du PIB. Le calcul du déficit structurel (nébuleux) est laissé à l’appréciation de la Commission Européenne. La Cour de Justice sanctionnera les états délinquants.
Un système de correction automatique des dérives est aussi prévu.
Celle-ci déclenchera un programme de partenariat budgétaire qui cache sous un vocable conceptuel évoquant l’échange et la solidarité, l’application de réformes structurelles bien connues hélas. On revient aux coups portés aux retraites, à supprimer l’indexation des salaires sur l’indice du coût de la vie, etc. Toutes les machinations perverses destinées à transférer in fine l’argent public vers la gestion privée. Brave Keynésianisme où es-tu donc passé ?
En dernier lieu, la transition nécessaire et même urgente vers une planification écologique et une politique d’économie d’énergie a toutes les chances de passer à la trappe car ce ne peut être qu’une politique volontariste engagée par l’état. Encore faut-il qu’il reste à celui-ci quelques plumes sur le dos... Et la possibilité d’en disposer.
Honte à vous !
Le Conseil d’État, après avoir été consulté, a donné son feu vert. Ce traité ne présenterait pas de contradiction avec la constitution française. Donc pas de référendum, une loi organique suffira pour arracher au peuple sa légitimité et remettre la gouvernance de nos finances à la Commission Européenne et au MES. Honte à vous messieurs et mesdames les conseillers d’état. Vous avez bien travaillé pour les banquiers. Nous saurons nous en souvenir.
Que nos conseillers généraux et nos maires ne croient pas s’en tirer en pensant qu’il s’agit là d’un problème ne concernant que les députés. Le TSCG préconise d’appliquer ses décisions aux sous-secteurs. Entendez par là que les collectivités sont également dans le collimateur de la trajectoire d’effort structurel ainsi que la sécurité sociale. Vive donc l’Europe des marchés !
La création d’un haut conseil des finances (par nomination) permettra de valider le carnage dans l’hexagone.
Mais à la fin, si nos pouvoirs constitutionnels deviennent une simple fiction, irons-nous encore voter pour ceux qui ne doutent pas que nous les retirer soit la chose à faire la plus urgente ?
Tel est leur bon plaisir... Évidemment.
Ci-joint la réponse du député PS de la cinquième circonscription du Gard, William Dumas, sollicité pour un rendez-vous par le Front de Gauche.
Egalement la réponse du Front de Gauche à W. Dumas
Chaque député (ils viennent de recevoir leur mandat du peuple) tient en principe des permanences. N’hésitez pas à aller leur demander ce qu’ils comptent voter en octobre. Ce sont vos délégués !
[1] La personnalité juridique du MES est pour le moins stupéfiante. Il « aura pleine personnalité juridique et aura pleine capacité juridique ». C’est à dire
que le MES pourra aller en justice, acquérir et aliéner des biens immobiliers et mobiliers ou passer des contrats. En outre, tous ses biens, fonds et avoirs bénéficieront d’une immunité totale. Sa propriété, son financement et ses actifs seront exempts de toute perquisition, réquisition, confiscation ou saisie. Ses archives, documents et locaux seront inviolables. (Source Fédération Générale du Travail de Belgique)
[2] Il n’est hélas plus à un mensonge près. Son coup de bluff sur un soi-disant pacte de croissance arraché à Mme Merkel en est un autre. L’interdiction d’exploiter le gaz de schiste également puisque la majorité des permis de prospection est toujours accordée.
[3] Déficit public ou déficit budgétaire = rentrées fiscales de l’état moins élevées que ses dépenses
[4] Lien vers la carte mondiale de la dette publique - Très édifiant.
Messages
1. Selon notre bon plaisir..., 27 septembre 2012, 20:32
Merci pour cet exposé sur le "fameux traité", cela m’apparaît plus clair. J’en déduis que : nous, citoyens, serons menés pieds et mains liés à " l’abattoir" par les banques, si le budget national n’est pas conforme aux règles émises par ces deux entités : UNE BANQUE : La Banque Centrale Européenne,et le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) qui se charge de redistribuer en prêtant aux états en difficulté en fonction d’une trajectoire d’effort structurel, comme tu l’écris sur ton blog.
Sait-on en quoi consiste " la trajectoire d’effort structurel" ? ’Est-ce la suppression de nos acquis ? Ou du moins de quelques-uns pour le moment ?
Comme il est dit dans l’article : Les sous-secteurs, c’est à dire les communes : petites ou grandes, les Communautés de communes, ainsi que les Conseil Généraux, vont devoir se serrer la ceinture, puisqu’il faudra faire des efforts (structurels). Ceci impliquera peut-être : moins de "plans fumeux" élaborés par les Conseils Généraux et les Communautés de Communes.
Ils devront revoir à la baisse entre autres, les projets pharaoniques servant souvent à mettre en valeur l’ego des élus. Soyons optimistes : tout n’est pas négatif.....
N.F.