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Mon chat est-il de droite ?
lundi 22 mars 2010, par
Royalement installé sur l’accoudoir du canapé, Minou surveille ma coupe de fromage blanc d’un air désintéressé...
Royalement installé sur l’accoudoir du canapé, Minou surveille ma coupe de fromage blanc d’un air désintéressé. Cet accoudoir correspond à la parcelle "coin-télé" de son territoire de même que la chaise rempaillée près de la baie vitrée correspond à "coin-ensoleillé". Pour la cour, c’est "chasse-gardée" et "plumes au goûter".
Je contemple ses beaux yeux vert d’Anduze qu’un regard humain ne parvient qu’à effleurer sans pouvoir en sonder la profondeur. L’âme de Minou n’étant pas accessible au travers de ses mirettes, aussi vertes soient-elles.
Bien entendu je n’ignore point, en naturaliste que je suis, que mon anthropocentrisme dénature ma perception de la nature et de ses sujets. Pour regarder ce chat débarrassé de mes filtres humanistes je dois faire un effort sur-humain ! Oublier le velours de son pelage, le tendre ronronnement et la blancheur de ses vibrisses qui me chatouillent parfois dans mon sommeil. Bref pour le comprendre, adopter le regard du scientifique et ne me servir que de l’hémisphère gauche de mon cerveau.
Cruelle déception : En le considérant ainsi, j’ai découvert avec un risque d’erreur évalué à 8% seulement que Minou était de droite.
D’abord, j’ai douté. Un scientifique doute toujours et c’est bien ainsi. C’est d’ailleurs souvent lorsqu’il ne doute plus que les choses se compliquent. Mais devant l’évidence, pas d’hypothèse qui tienne. Le doute n’était donc pas permis. Minou avait ce type de comportement Sarkosiste qui m’irritait copieusement, et cela particulièrement les jours de discours présidentiel. C’est à dire presque tous les jours en somme.
D’abord j’ai constaté, et cela à plusieurs reprises, que lorsqu’il m’adressait la parole, il le faisait en inclinant la tête et sur un timbre assourdi et grave. Lorsqu’il s’adressait à d’autres félins plus grands que lui, il faisait gonfler son pelage pour avoir l’air plus costaud.
Ainsi prévenu contre un penchant droitier de mon chat, je poursuivi mes recherches et mon raisonnement se trouva confronté à un certain nombre de preuves sans appel. Par exemple, ses multiples addictions consuméristes qui contraignaient ses maîtres à ne lui fournir que des produits labellisés vus à la télé. Son absence totale de sentiment démocrate et sa façon de conclure le premier petit conflit venu par un coup de griffe malveillant. Son incapacité à s’entendre avec les chats entiers et son homophobie.
Il est de même jusqu’à ses oreilles qui peuvent écouter dans plusieurs directions à la fois et réaliser ainsi une véritable écoute judiciaire par une simple rotation du lobe.
Sa posture de sphinx sur l’accoudoir n’était en fait qu’un acte de notaire. Une servitude territoriale inscrite sur mon canapé en dehors de toute concertation.
Enfin, le facteur déterminant de cette étude scientifique : La volonté persistante de revenir aux places les plus chaudes en hiver et les plus fraîches en été. Voyez par exemple : Moi qui pensais lui avoir enseigné l’informatique de base et le maniement de la souris, je compris qu’il ne cherchait, devant l’ordi, que la tiédeur de mes genoux. C’était donc bien uniquement son propre intérêt qui présidait à ses décisions, sans jamais s’en écarter, même pas pour me laisser aller aux toilettes.
Compétitivité, rendement et efficacité, voir flexibilité, c’était seulement nous ses esclaves qui devions les posséder. Lui le rendement ? Zéro. Un seigneur qui dédaigne sa caisse si elle n’est pas impeccable.
Le jeter à la rue ? Ce serait quand même dur. D’un autre coté, avoir à supporter un chat UMP chez moi pourrait me conduire à devoir gérer des conflits permanents. Mais je crois avoir trouvé une solution pour le déstabiliser dans ses certitudes de chat installé et conservateur.
Je lui ai planqué son certificat de vaccination. Minou est désormais un "sans-papiers" à la merci d’une rafle. Il ne quitte plus la fenêtre pour guetter anxieusement la police de quartier.
Croyez-moi si vous voulez mais depuis il s’est amélioré. Il miaule plus aigu, demande quelquefois la permission avant de s’installer dans le lit. Avant hier, il m’a léché la main et m’a confié gentiment :
"Tu sais je suis capable d’entendre le message des électeurs".