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Sanglier : Le grand retour

mercredi 26 octobre 2016, par grand-Pierre

La pullulation des sangliers est inquiétante de par le nombre des déprédations qu’il commet chaque jour et ceci jusque dans la Ville du Vigan.
Quelques éléments de réflexion sur ce sujet préoccupant.

La grande déprise rurale

La moyenne montagne, ses crêtes et ses vallées ont connu un pic démographique vers le milieu du 19ème siècle entraînant une exploitation intensive des ressources.

Les bois avaient été surexploités et les vallées étaient utilisées en vergers. Les friches étaient pâturées. La place laissée à la reproduction et au développement d’espèces naturelles (hormis les parcours des troupeaux) était alors comptée. Le dernier loup a été tué sur l’Aigoual vers la fin du siècle.


La physionomie des lieux est aujourd’hui complètement différente, les anciens vergers sont bien souvent retournés à l’état de friche de même que la châtaigneraie est en plein dépérissement. Mis à part les cultures en vallée (pommes – oignons doux et horticulture) la moyenne montagne, non entretenue retourne à l’état sauvage sur les ruines des terrasses et de leurs murets de pierre sèche. Seules les forêts domaniales ou privées d’altitude sont conduites en sylviculture.

De très nombreux mas ne sont entretenus qu’à l’horizon des cinquante mètres assujettis à la contrainte du débroussaillage réglementaire. Le reste de la propriété, non entretenu ni valorisé devenant une « bartasse » (broussaille) de plus en plus fermée et évoluant vers une chênaie verte à plus ou moins long terme sur les versants orientés au sud.

Retour en arrière

Les conditions sont donc à présent comparables, à quelques détails près toutefois, à celles ayant précédé l’installation des communautés humaines, c’est-à-dire une ressource en remises et en nourriture exceptionnellement riche et propice à la prolifération du grand gibier et de la « sauvagine ».


Dans ces conditions, il faut bien comprendre que lorsque les animaux ou les plantes deviennent envahissants et posent problème aux habitants, ce n’est que l’aboutissement d’un processus dont l’origine remonte à plus d’un siècle et qui, dans les conditions économiques et les conditions d’utilisation actuelle des terrains, semble bien devoir être irréversible. On imagine effectivement mal une réoccupation massive de l’espace par les habitants sans une forte motivation économique.

Les Cévennes se sont petit à petit transformées en réserve naturelle de fait pour les ongulés sauvages et les carnivores (chevreuil / cerf / sanglier / loup) avec par ailleurs l’apparition d’un cortège de plantes qualifiées « d’invasives » (Robinier / Ailante / Renouée du Japon / Impatiente de l’Himalaya/ Berce du Caucase). Le loup pour sa part retrouve petit à petit sa place de super prédateur et se réinstalle en France. (350 animaux recensés). Mais ce régulateur naturel du grand gibier n’est bien entendu pas le bienvenu lorsqu’il s’en prend aux troupeaux.

L’éradication impossible et vaine

De même qu’on élimine simplement nos déchets domestiques, certains mettent en avant la nécessité d’éradiquer ce qui nuit ou semble nuisible. Vieux débat… Mais au-delà des postures individuelles sur ce vaste sujet il faut comprendre, avec les scientifiques de terrain ayant étudié la question, que l’éradication sera toujours une chimère. On ne s’oppose pas à un processus naturel avec quelques chances de succès.

Sangliers, loups, espèces végétales venues de loin sont donc là pour longtemps et leur vitalité naturelle fera le reste, trouvant sur les parcelles abandonnées un terrain propice à leur prolifération.

Ce sont donc plutôt des mesures de contention lorsqu’elles sont raisonnablement applicables, des mesures de protection et finalement le savoir-faire du « vivre avec » qui détermineront l’avenir de la cohabitation de l’homme avec les espèces sauvages et non l’éradication, impraticable sur le terrain et qui n’aurait donc pas de résultat sur le long terme. La chasse, ordinairement régulatrice des espèces qui n’ont pas ou peu de prédateurs naturels, ne peut jouer ce rôle que partiellement, le nombre de chasseurs allant en diminuant tandis que le taux de reproduction du grand gibier explose.

Les dégâts occasionnés aux agriculteurs et éleveurs ont été indemnisés à hauteur de 370 000 € en 2015 dans le département du Gard. Mais il faut savoir qu’une petite partie seulement des dégâts est indemnisée.

Les entreprises fabriquant des clôtures ont donc un bel avenir en perspective si aucune autre solution n’est trouvée.

Des solutions embryonnaires

Des filières s’organisent néanmoins concernant la commercialisation du sanglier. Une collecte se met en place auprès des équipes de chasse pour valoriser les viandes.

Ce système permettrait aux chasseurs de chasser plus sans avoir à dépouiller un nombre trop important d’animaux ce qui prend beaucoup de temps. Il existe aussi un progrès dans l’élimination des dépouilles qui posait problème. Des fosses bétonnées ont été aménagées par endroit et tendent à se multiplier afin de résoudre le problème sanitaire posé par le nombre exceptionnel de dépouilles. (34 000 sangliers abattus dans le Gard en 2015).

Des battues administratives sont menées sous la responsabilité des lieutenants de louveterie et l’aide d’équipe de chasseurs volontaires. Ces battues ont souvent lieu en milieu périurbain car les sangliers ont depuis longtemps envahi les abords des villes, voir les villes elles-mêmes. (Ex. Parc des châtaigniers au Vigan !). Elles permettent d’éloigner les hardes pour quelques temps au moins des jardins et des potagers !

Avant de conclure, il faut encore parler des accidents de la route de plus en plus nombreux dus au passage intempestif de gros gibier. Trente à quarante mille collisions en France sont comptabilisées chaque année dont le tiers est dû aux seuls sangliers. Deux motards ont trouvé la mort dans le Gard en septembre 2016 à la suite d’une collision avec un sanglier.

La cohabitation s’avère donc très difficile, notamment avec ce dernier qui s’est parfaitement adapté à la situation actuelle et ne semble plus craindre la proximité des hommes. Cet animal doué d’une intelligence remarquable peut parcourir jusqu’à quatre-vingt kilomètres en une nuit ce qui fait penser aux razzias de ces guérilleros insaisissables qui se fondent dans la nature après l’action.

En résumé, là où l’homme abandonne le terrain la nature reprend tous ses droits. C’est la dure loi de l’ouest comme le disait si bien le loup des animations de Tex Avery, la bouche en cul de poule :

It is the hard ruuuuuuuule of the west !

NB Cet article reprend et complète notre article précédent (Sus scrofa - Un voisin encombrant) sur le sujet dont voici le lien :
https://blocdepierre.com/spip.php?article303