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Axel Kahn : Un pays si sauvage... La France

Lorsqu’on la traverse à pied !

lundi 4 mai 2015, par grand-Pierre

Axel Kahn a parcouru à pied la France en diagonale à deux reprises en 2013 et 2014.
La deuxième fois il a éprouvé quelques difficultés à se déplacer car les chemins ne sont plus toujours au rendez-vous.

Immersion rurale

De la pointe du Raz en Bretagne jusqu’à Menton dans les Alpes maritimes il y a, parcourus à pied, 2057 km exactement ; un très original circuit pédestre et de quoi user les souliers !
Ce fut le challenge en 2014 d’Axel Kahn, itinérant au long cours, chercheur et écrivain, qui en a tiré un ouvrage : Entre deux mer - Voyage au bout de soi. [1]

Le regard qu’il porte sur cette expérience nous enseigne deux choses :

- La première c’est qu’à soixante-dix ans cette entreprise n’est pas de tout repos !

- La deuxième c’est un regard très diffèrent posé sur notre pays, traversé du nord-ouest au sud-est par un randonneur. Précisons bien : Il ne s’agit pas d’un camionneur ni d’un pilote de ligne ou encore moins d’un conducteur de TGV. Non, simplement un chemineau comme on appelait autrefois ces gens, vivant de rien et aussi parfois de quelques poules sur les grands chemins de notre beau pays.

Un environnement beaucoup plus sauvage que ce que l’on pourrait penser

Durant les soixante-quinze jours que dure son périple il observe très peu de monde sur cet itinéraire transverse. Peu de rencontres car plus personne ne se déplace régulièrement à pied. Je parle du trajet bien sûr et non des étapes forcément placées dans des villes ou des villages.

De plus il peine énormément à suivre son cap sans effectuer des détours innombrables car les chemins n’existent plus ou ne sont pas entretenus et le conduisent souvent dans des cul-de-sac. Quelquefois les ponts lui font défaut et l’obligent à se détourner de sa route pour pouvoir franchir les fleuves. Son GPS, très utile ne compensera pourtant pas toujours l’impraticabilité constatée sur le terrain. Quand aux habitants de ces coins désertifiés, il ne faudra pas compter sur eux pour éviter les erreurs d’itinéraire !

Le canal de Nantes à Brest lui permet néanmoins, cent-vingt kilomètres durant, de s’extraire de la Bretagne par l’ancien chemin de halage où il est souvent attendu au détour d’une écluse par de fervents admirateurs.

A toujours considérer la France depuis les routes ou les voies ferrées, on zappe le fait que sa ruralité, en-dehors des parcelles innombrables dévolues à l’agriculture ou à la foresterie, est bien souvent abandonnée à l’emprise du temps. Personne ne s’occupe plus de ces zones sans économie et les chemins ruraux disparaissent fréquemment sous la végétation... Ou bien au contraire, aux périphéries des cités, ils sont absorbés par l’urbanisation galopante et les aménagements contemporains dévoreurs d’espaces. Axel Kahn ne passe d’ailleurs pas très loin de Notre-Dame-des-Landes, cette commune sur laquelle pèse la menace d’un projet pharaonique visant à réaliser la construction du futur aéroport de Nantes.

Bien souvent il n’y a que l’asphalte qui soit disponible pour notre marcheur et ses genoux vont commencer à le faire souffrir car ce revêtement, honni de tous les randonneurs, chauffe le pied et sollicite durement les articulations.

Des troncs abattus par l’orage et un terrain escarpé rendu glissant lui vaudront aussi une luxation de l’épaule en traversant le département de la Creuse.

La sociologie itinérante

Comme le boulanger en tournée y apporte le pain, Axel apporte dans les villages traversés son regard et son questionnement. Au contact de personnalités locales, il nous confirme la grande inquiétude de certains territoires plus fragiles que les autres. L’oubli, l’indifférence nationale qu’ils redoutent. Il ressent aussi la sécession qui s’affirme au sein de la solitude rurale lorsque l’avenir n’a aucune chance de se voir un jour... avenu.

Malgré tout cela, fortement ressenti, le message du marcheur au long cours ne comporte pas de défaitisme, bien au contraire. Les régions qui défendent leur identité s’en sortent mieux. La créativité s’affirme en période de crise et s’exprime dans des modes nouveaux et originaux de reconversions.

Le yin à la place du yang

Il y a également de belles pages sur le combat du voyageur avec lui-même (et avec ses genoux douloureux) qui poursuit un dialogue schizophrénique avec sa mascotte en peluche, décrochant de la sorte des contingences corporelles et quotidiennes en lui octroyant le plus beau rôle, celui de la vie, de l’espoir et de la féminité (c’est une jument !) tandis que lui-même chemine certains jours avec peine, assailli de sombres pensées. Message de beauté, celle de merveilleuse dame nature et aussi témoignage de courage. Ces dialogues d’un promeneur solitaire avec sa peluche Princesse mascotte sont savoureux.

Passé la vallée du Rhône, le dernier tiers de la randonnée s’avère plus difficile. Lorsque enfin rendu sur les hauteurs dominant Menton et ainsi au terme de son voyage, il est envahi par une nostalgie déprimante et la crainte de retrouver l’en-bas et ses turpitudes. L’en-bas exempt de cette solitude heureuse où d’autres défis l’attendent sans doute mais, sans la présence rassurante des petites fleurs du bord du chemin.

Mais allez Axel, vous repartirez une autre fois. Et pourquoi pas sur le Chemin de St Guilhem ? Au mois de mai.

Axek Kahn - Voir l’article de Wikipédia


[1(Editions Stock)