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Police de l’eau ou concertation ?

vendredi 10 février 2012, par grand-Pierre

H²O, l’eau liquide, semble être d’une grande rareté dans l’univers, à ce que nous en savons du moins. Mais elle risquerait bien un jour de devenir rare également dans notre région. Une réunion à Florac, organisée dans le cadre de l’élaboration de sa future charte par le PNC fait le point sur la situation et les nouvelles directives gouvernementales.

Partager les eaux un challenge demain ?

Lorsque l’on passe le col de la Serreyrède et que l’on redescend vers la rude combe de l’Hérault et ses éboulis rocheux, on a franchi sans peut-être le savoir une frontière climatique : le partage des eaux.

Le régime atlantique a cédé la place à celui, méditerranéen, des étés chauds et secs, des crues violentes alternant avec les "sécades" estivales.

Depuis plus d’un millénaire les habitants connaissent par cœur leur leçon, celle de la pluie et du soleil, et ils utilisent la ressource au moyen d’un savant système de béals [1], dérivant l’eau depuis certains seuils [2] pour l’amener plus en aval, un peu au-dessus de la rivière et disposer ainsi d’une irrigation par gravité des terrains situés plus bas. Cascade de la Vis

L’eau en surplus, qui n’a pas été consommée par les végétaux ou évaporée au soleil, retourne sagement dans le lit de la rivière en suivant le substrat rocheux qui ne se trouve jamais bien loin de la surface dans nos Cévennes. Car, si l’eau y est parfois rare en été, la terre, elle, l’est toute l’année !

Au fil des siècles, l’homme a façonné ainsi le cours des rivières et ruisseaux tandis que la vie s’adaptait et s’organisait autour de ces aménagements divers (Béals - moulins - martinets etc.). La ressource fut de plus en plus sollicitée pour satisfaire des besoins devenus vitaux pour une population en pleine expansion. (Apogée au milieu du XIXème siècle).

A cette époque, les rivières étaient en très mauvais état et l’eau faisait l’objet de conflits d’usage entre utilisateurs de l’amont et de l’aval. On consommait alors quatre ou cinq fois plus d’eau de rivière qu’aujourd’hui. (Même en tenant compte de la culture actuelle de l’oignon doux) [3] !

Les vastes opération de reboisement au XIXème [4] installèrent une forêt pérenne sur le massif. Celle-ci, loin d’être comme on l’en accuse parfois, une grande consommatrice de la ressource en eau, tend à y réguler le climat et y entretenir une humidité bienfaisante.

Après la grande hémorragie humaine du début du XXème siècle et l’exode massif des populations vers les villes, la forêt reconquit les pentes cévenoles et les anciens vergers à l’abandon retournèrent à un état de végétation sauvage. De nombreux ouvrages d’irrigation tombèrent en ruines.

ONEMA (L)... À L’AISE ET PLUTÔT RÉSERVÉ SUR LE DÉBIT

Aujourd’hui, ce ne sont plus les habitant qui s’occupent des rivières mais les ministères, et en l’occurrence, celui de l’environnement ! Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Les crânes d’œufs chargés de se préoccuper des changements climatiques à venir font pleuvoir les directives sur les malheureux élus locaux contraints par la loi et l’ONEMA [5] d’appliquer les textes. La biodiversité de la rivière devant être préservée à tout prix.

Il y a d’abord le transport des matériaux (limons - sables - graviers) qui devrait pouvoir se faire sans entraves de l’amont vers l’aval, [6] afin de respecter le profil biologique naturel du cours d’eau. De même, le passage des poissons doit pouvoir s’effectuer librement et avec un niveau d’eau suffisant. Certains seuils semblent donc devoir poser problème au grand dam des élus locaux qui en connaissent mieux peut-être les usages et les avantages que nos savants parisiens...

Ensuite, le débit réservé, c’est à dire le débit qui doit impérativement être maintenu dans le cours d’eau en aval de tout captage, a été contingenté [7] et la norme de calcul ne semble pas du tout être adaptée au régime des rivières d’ici. Elle est en effet basée sur le débit moyen inter annuel ou module. Ce type de moyenne, appliqué à des rivières à fortes crues et à étiages sévères se révèle très pénalisant, voir même inapplicable dans certains cas pour respecter le débit réservé. Il a peut-être été calculé pour des cours d’eau n’ayant rien a voir avec le régime méditerranéen.

Araser certains seuils, installer sur d’autres des passes à poissons très onéreuses, être sévèrement verbalisé par les agents de l’ONEMA en cas de manquement au débit réservé et devoir ensuite acquitter de fortes amendes, irrite les élus locaux à juste titre.

Une réunion riche d’enseignements

Une réunion sur ces thèmes s’est tenue récemment a l’initiative du PNC à Florac avec les principaux intéressés qui ne se privèrent pas de donner leur avis sur ces questions.

Les édiles du PNC leur tendirent une oreille bienveillante car cette réunion s’est tenue dans le cadre de la nouvelle charte qui sera passée entre les communes de la future zone d’adhésion [8] et le Parc.

Des fois, par hypothèse, que celles-ci rechignent à y adhérer pour cause de mauvaise humeur vis à vis des administrations...


[1Canaux d’irrigation - On en compte 550 sur le territoire global du Parc National des Cévennes

[2Barrages en marche d’escalier

[3AOC - Consommation en eau estimée = 200 000 M3/an

[4RTM - Restauration des Terrains de Montagne

[5Office national de l’eau et des milieux aquatiques

[6Le prélèvement de ces matériaux est interdit dans le lit de la rivière

[7Un dixième du module

[8Qui remplacera l’ancienne zone périphérique et ou l’adhésion sera délibérée par les communes et non plus automatique