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Quand les collectivités locales se plantent...

mardi 25 octobre 2022, par grand-Pierre

Selon les stratégies de développement gouvernementales du moment, les collectivités locales développent des projets largement subventionnés mais qui n’apportent pas toujours les résultats escomptés.

En fin d’article, quelques exemples locaux sont donnés pour exemple.

Les grandes stratégies territoriales de l’état

Dans un fonctionnement où l’état, responsable entre autre du développement économique et touristique, pratique une politique incitative à l’égard des projets des collectivités, les subventions diverses accompagnent ces projets (dans la mesure où ils sont dans le champ des incitations) à des hauteurs pouvant atteindre jusqu’à 80% de leur coût final.

J’ai même eu connaissance d’une déchetterie financée à 110% ! Mais c’était il y a bien longtemps.

Nul ne peut jeter la première pierre à l’état qui abonde ces projets dans l’espoir de revitaliser certaines régions ou certaines collectivités. On pourrait toutefois se poser la question de la croissance des moyens que cela implique et de la rentabilité réelle de ces lourds investissements. On ne parle pas ici, bien évidemment des "bons" projets qui sont, soit parfaitement gérables ou bien neutres financièrement, soit relevant d’un service public, ce qui justifierait un fonctionnement déficitaire.

Combien de projets alléchants au départ ont ils connu de graves déboires une fois en exploitation ? Combien de belles idées n’ont pas été finalement en adéquation avec l’environnement économique local ? Les élus, quelle que soit leur bonne volonté initiale sont-ils les mieux placés pour monter des projets ayant à terme des coûts de fonctionnement à gérer ? Existe-t-il des formations pour ce faire ?

Mais plus que des formations, c’est le talent qui est nécessaire pour qu’un projet aboutisse et fonctionne correctement.

Vous ne trouverez jamais un élu pour contester une incitation sonnante et trébuchante de la part de l’Europe, de la région ou de l’état. (Voir des trois à la fois). Cet argent "facile" lui offre l’avantage de monter un projet personnel qu’il tient à concrétiser en y laissant son empreinte pour la postérité.

N’allez pas croire tout de suite, mauvais esprit que vous êtes, qu’il s’agisse d’un projet où ses intérêts directs soient en cause. Si cela peut se produire quelquefois, il s’agit la plupart du temps d’un projet patrimonial, immobilier ou touristique qui tient au cœur de l’élu et qu’il a enfin l’occasion de réaliser. [1]

Et c’est justement là que les choses se compliquent...

Si c’était leur argent ?

S’il s’agissait des fonds personnels de cet élu, il est évident qu’il réfléchirait à deux fois avant de lancer son projet. Il aurait envisagé les écueils éventuels et réfléchi au moyen de les éviter. Une étude de faisabilité sérieuse aurait été conduite auparavant et une gestion prévisionnelle soigneusement étudiée.

Il aurait consulté les partenaires éventuels et procédé à une étude de marché sans faille.

Il aurait passé au crible les propositions de services en sélectionnant lui-même celles qui lui paraissaient les plus pertinentes. Les devis des entreprises auraient probablement été affinés et peut-être aussi renégociés afin de réduire au strict nécessaire l’investissement.

Son projet réalisé aurait eu autant de chance de perdurer que la moyenne des entreprises après cinq années de fonctionnement en France, c’est à dire 60% d’entre elles.

Le gouffre

On apprécierait pour la France entière qu’une étude statistique concernant le suivi de la gestion soit conduite pour les projets des collectivités dépassant le million d’euros. Nous serions probablement surpris d’y trouver, peu de temps après leur mise en fonction, des charges bien supérieures aux recettes, des malfaçons, des aménagements non fonctionnels, une communication défaillante, un balisage parfois confidentiel, des gestionnaires en DSP jetant l’éponge et des collectivités lourdement impactées financièrement par les erreurs d’appréciation des élus ayant conduit le projet.

Laissons de côté les prises illégales d’intérêt. Les magouilles, c’est une autre histoire.

Un égo surdimensionné, de la bonne volonté et des subventions sont à l’origine de bien des gouffres financiers. Car l’élu ne tire pas hélas sa compétence en matière de gestion... du suffrage universel !

Il a pourtant choisi une pratique rigoureuse pour réaliser son projet et fait appel à des cabinets spécialisés pour mener les études nécessaires, voir obligatoires, telles que les études de faisabilité ou d’impact environnemental. Il a été scrupuleusement encadré par les organismes (pléthoriques) de l’état dont les fonctionnaires en charge ont assisté à chaque réunion de travail.

Et pourtant ! Une fois passées les grand-messes et la cérémonie d’inauguration où tout un chacun se félicite d’avoir pu mener à terme une telle opération, de gros nuages se forment petit à petit et obscurcissent l’horizon financier de la belle structure toute neuve.

Mais alors, qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Il est certes facile de donner des leçons de gestion mais sans être expert on peut tout de même pointer certaines des causes de l’échec.

  • Si de nombreuses études sont menées en amont du projet elles ne sont pas toujours correctement orientées. Par exemple l’analyse des "besoins" réels du territoire. Ce projet est-il tout simplement pertinent ?
  • Les différents intervenants (dont les services institutionnels) ne peuvent avancer que sur ce qu’ils savent faire et travaillent indépendamment les uns des autres, chacun dans son domaine exclusif.
  • Les cabinets de consultants travaillent dans le sens du projet de l’élu. On les verra très rarement présenter un bilan de faisabilité négatif.
  • Ces mêmes cabinets utilisent des grilles d’analyse et ne font pas œuvre d’originalité. Leurs compétences sont quelquefois discutables en dépit de tarifs conséquents. [2]
  • Une fois le projet engagé sur les rails et les différents protocoles mis en place, rien ne pourra l’arrêter ou presque. Et puis les politiques n’aiment pas se remettre en cause et perdre un bénéfice électoral escompté.
  • Les avis discordants ne seront pas entendus, considérés comme une opposition politique
  • Et surtout l’étude de gestion prévisionnelle est souvent la grande absente du projet ou bien, c’est souvent le cas, n’est pas du tout réaliste

Le piémont de l’Aigoual

Stigmatiser notre territoire serait assez injuste car ces projets-catastrophe peuvent se rencontrer un peu partout.

Je peux néanmoins citer quantité de structures sur notre territoire ayant coûté cher au contribuable (même si celui-ci, fort heureusement, n’est pas exclusivement local) et qui n’ont pas répondu aux objectifs qui avaient déclenché leur réalisation.

  • Ex-barrage en aval du Mazel, mal conçu et rapidement emporté par une crue
  • Rénovation de la filature du Mazel pour un musée de la soie hypothétique et faisant doublon avec celui de St Hyppolite du fort [3]
  • Mas de Cluny dont les gestionnaires se succèdent sans grand succès
  • Enneigement artificiel des pistes de ski à Prat-Peyrot condamné à plus ou moins brève échéance par le réchauffement et les hivers devenus trop doux à cette altitude et à cette latitude [4]
  • Nouveau centre de loisirs, dans les années 80, du Pont du Moulin à Camprieu (Alt. 1112 m) chauffé par convecteurs électriques pour accueillir les pratiquants hivernaux [5]
  • Maison de retraite de Montdardier avec laquelle l’hôpital de jour du Vigan a interrompu sa participation et qui fut finalement revendue
  • Belvédère du cirque de Navacelles aux loyers impayés et impayables malgré qu’ils aient été revus trois fois à la baisse [6]
  • J’allais oublier dans cette énumération le site touristique majeur du Pont du Gard dans les années 2000 [7]

Je ne donne aucun chiffrage (il me faudrait faire des recherches d’archives fastidieuses) du coût pharaonique de ces projets dont la gestion n’a pas été à la hauteur des prévisions mais vous seriez sans doute choqués par les montants concernés...

Arrêter l’hémorragie des euros publics

Peu d’administrés ont connaissance de ce problème qui reste confiné aux cercles politiques. Mais quelles pourraient être les solutions à ces erreurs d’appréciation des décideurs locaux et ce gaspillage récurent des deniers publics ?

On pourrait :

  • Eviter les prises de décision unilatérales et intégrer des acteurs locaux représentatifs aux réflexions préliminaires
  • Se poser d’abord la question de l’intérêt ou non du projet : Pour les utilisateurs et pour la collectivité
  • Intégrer l’existence de contraintes réglementaires aux études préliminaires
  • Chercher à savoir si les lieux envisagés seront fonctionnels et appropriés à l’usage qui leur est destiné ?
  • Si le montant des investissements est en rapport avec le résultat escompté ?

Faudrait-il :

  • Monter un dossier avec les informations préliminaires et le soumettre aux conseillers élus pour valider ou non la mise à l’étude de ce projet ?
  • Réaliser en début de projet une étude de marché et une étude prévisionnelle qui seraient éliminatoires au cas ou elles se révèleraient négatives ou peu encourageantes [8]
  • Solliciter les avis des professionnels compétents concernés et les intégrer à cette étude
  • Etudier les projets similaires menés avec succès par d’autres collectivités
  • Tenir compte dans la décision finale des arguments discordants et les analyser en commission

Ces différents items ne garantiraient pas forcément le succès du projet, qui peut être soumis à des aléas conjoncturels, mais ils assureraient une bien meilleure base de travail que le seul égocentrisme d’un élu entiché de son idée et ne déléguant rien de son espace décisionnel.

In fine, celui-ci devrait se sentir moins seul en cas d’échec !


[1De mémoire, Jacques Médecin élu en région PACA il y a de cela de longues années, adaptait des projets bidons aux orientations européennes en matière de subventions. Certain de cette façon de placer le bon projet sous le bon robinet au bon moment !

[2S’ils portent une part importante dans la décision de réaliser le projet ils n’en portent aucune en cas de gestion déficitaire.

[3Exemple typique d’une rénovation coûteuse et dans doute justifiée d’un patrimoine historique mais sans qu’un véritable projet ai été mis en place pour la suite et sans que la gestion du site semble une préoccupation pour les décideurs.

[4Il faut dire qu’à l’époque de cet investissement le réchauffement climatique n’était pas encore une préoccupation majeure.

[5En chauffant le bâtiment avec ces "grille-pain", accueillir un groupe de skieurs en hiver revenait trop cher et c’est EDF qui s’accaparait la recette ! Ce centre, malgré un fort potentiel, a connu une inflation de gestionnaires avant de revenir, sous forme de patate chaude par ce qu’ingérable, dans le giron de la commune. (Même d’ailleurs après le passage au chauffage central au fioul).

[6Malgré un taux important de subventions (85%) ce projet n’a pas tenu ses promesses. L’espace dévolu à la restauration (2/3 de la structure) a vu défiler les gérants successifs parce que non rentable. L’espace restant, pôle touristique important, manque de moyens et l’OTI du Pays Viganais, dont cette activité n’a pas été anticipée budgétairement, peine à le faire vivre. Lien vers un autre article sur ce sujet

  • Abattoir du Vigan, véritable gouffre pour les finances de la CC remis finalement gracieusement (ou pour un loyer symbolique) en parfait état à un syndicat des éleveurs locaux constitué pour l’occasion [[Au départ la CC du Pays Viganais s’est engagée seule dans cet important projet de territoire. Lorsqu’ensuite elle a sollicité d’autres CC pour l’aider à financer le fonctionnement, celles-ci eurent beau jeu de décliner l’invitation malgré que leurs éleveurs profitent opportunément de l’abattoir !

[7Fiasco financier intégral > voir mon article à ce sujet

[8Etudes réalisées, cela va de soi, par des organismes indépendants autant que compétents et spécialisés.