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Mon camarade, le juif Lazaro

jeudi 25 janvier 2024, par grand-Pierre

Il n’est plus de ce monde André mais je conserve de lui le souvenir d’un camarade courageux et bon qui portait en lui l’espoir, cet espoir si difficile parfois à conserver au cours de la vie.

La cellule « Aude »

La rue de l’Aude, à deux pas de la rue de la Tombe Issoire, était le patronyme de notre cellule locale du PCF.

J’avais adhéré de retour à un séjour de deux années en Finlande et plusieurs contacts avec des marxistes finlandais prosélytes. J’étais alors plein de cette bonne volonté de la jeunesse mise à vouloir changer le monde. De plus c’était l’époque de l’Union de la gauche et du « Programme commun de gouvernement ». Nous y croyions tous dans notre petite cellule Aude.

Rue Marie-Rose à deux cent mètres de là, il y avait le musée Lénine, fermé depuis et nous voyions quelquefois des délégations de soviétiques, tous affublés du même manteau gris et du chapeau de l’apparatchik de la même couleur qui venait saluer les camarades français.

Ils étaient étonnés de nous trouver, non pas à côté de notre stand de l’Humanité Dimanche situé devant le bar du coin, mais au chaud à l’intérieur devant un crème voir un sauvignon... Ils étaient très surpris d’apprendre de leur interprète que nous ne touchions aucun salaire pour notre travail militant ! Assurément ils arrivaient d’un autre monde et c’est peut-être bien la raison pour laquelle André insistait toujours pour que l’on parle du PCF (Parti Communiste Français) et non du PC.

D’autres copains de l’époque ont été fauchés en pleine jeunesse. Pierre Leguern, militant infatigable atteint d’un cancer et Patrick Lazaro notre ami, le jeune fils d’André suite à un accident en moto. Toute la cellule accompagna Patrick pour la levée du corps à la morgue du quai de la Rapée. Triste journée.

André et sa famille habitaient avenue René Coty. Ingénieur EDF il avait une situation stable. Son épouse travaillait dans un lycée au service technique.

André Lazaro

Sous l’occupation André fut membre d’un réseau résistant (Gloria) qui fut dénoncé par un prêtre luxembourgeois au service des nazis, puis déporté au camp de Mauthausen. Il évoquait très rarement cette période mais nous révéla quand même qu’il avait adhéré au PCF dans le camp de concentration. Peut-être que cela l’a-t-il sauvé car il y avait une organisation solidaire sous cette bannière clandestine.

Il avait tiré le rideau sur la violence pour se consacrer à l’avenir, à rendre le monde meilleur comme nous le croyions tous à l’époque. Il était un peu notre papa et savait calmer nos ardeurs trop « offensives » avec sagesse et bienveillance.

Son influence sur nous les jeunes, celle d’un homme bon qui avait connu l’horreur absolue, nous apporta le sens de l’espoir et de la justice. Celui du respect de l’autre et de la solidarité. Ce n’est pas rien. Merci à toi André pour ce courage surmontant l’adversité et pour tout ce que tu nous a apporté.

Le juif

André Lazaro était il juif ? Quelle question ! On aurait pu le croire puisqu’il avait été déporté par les nazis. N’est-ce pas là un certificat de judaïsme avéré ? Mais cette déportation était celle d’un résistant affilié à un réseau de Londres.

André s’il était juif, ne pratiquait pas et n’était pas religieux. Point de visite à la synagogue. Il ne pratiquait pas la langue yiddish. Il n’était pas non plus sioniste et ne fantasmait pas sur la Palestine, cette « Terre promise » (ou soi-disant promise). Il était français et citoyen ? Point.

Travailleurs syndiqué et communiste. Cela fait-il de vous un juif ? Grave question.

Question à laquelle, n’étant pas suffisamment savant, j’aurais du mal à répondre. Peut-être faudrait il remonter à l’échelon familial d’origine grecque ou à la généalogie pour déterminer le fait d’être (ou de se sentir) juif ?

J’ai rencontré un jour dans une fête une jolie fille qui me déclara au cours de la conversation être juive mais ni croyante ni pratiquante.

- « Je croyais lui dis-je que les juifs étaient des religieux exclusivement » ?
- « Pour comprendre il faut savoir qu’être juif c’est comme être noir mais cela ne se voit pas... »
- « Il est vrai qu’un corse par exemple c’est comme être français mais cela ne se voit pas tant que ça lui répondis je, en m’essayant à l’humour ».

Cette appartenance à la diaspora juive assumée par cette fille a toujours été un mystère pour moi. André, que ressentait il au fond de lui même ? A vrai dire je n’en sais rien.

Eparpillement

Les juifs identifiés comme tels seraient répartis majoritairement et en parties égales entre les États-Unis d’Amérique et Israël. (à 80%). Le reste est éparpillé à travers le monde en fonction des migrations successives.

Cela n’est pas pour autant une exclusivité juive car dans les Balkans par exemple les minorité ethniques sont légion ce qui peut poser problème.

En Europe des pogroms à répétition concernant les Ashkénazes chassèrent les juifs notamment de l’Est et les nazis en éliminèrent six millions dans les camps. L’existence des communautés juives n’a certainement pas été un long fleuve tranquille !

Mais si je peux appréhender clairement ce qu’est une communauté juive, rassemblée autour d’une foi et d’une église j’ai beaucoup de peine à comprendre ce qui aurait pu faire un juif d’André Lazaro mis à part son patronyme.

La propagande antisémite des nazis et de l’extrême droite initièrent le mythe du juif omniprésent tirant les ficelles, notamment de la finance dont il fallait prendre garde. Ainsi les juifs, religieux ou pas seraient partout, infiltrés dans nos sociétés...

Pourquoi ce rejet mortifère à propos des juifs ? Même parfaitement intégrés dans un pays comme l’était André Lazaro ? Ont-ils un mode de vie particulier comme les tsiganes que l’on pourrait identifier ? Non évidemment pas.

Le poison des religions à Jérusalem

Après la dernière guerre et les camps d’extermination les juifs sionistes organisèrent l’installation en Palestine. Cela fut tout de suite une guerre de conquête avec pour conséquence l’émigration de sept cent mille palestiniens. Les juifs voulaient un pays mais ils durent le prendre à un autre par la guerre et conséquemment ne connurent jamais vraiment de paix.

Une très vieille histoire nous ramène à Jérusalem « ville sainte » découpée en chapelles historique, conquise à plusieurs reprise et dont les sangs des fidèles et celui des infidèles se sont mêlés trop souvent.

Orient et Occident s’y affrontent encore hélas et l’espoir, ce bel espoir porté par André Lazaro s’y essouffle décennies après décennies.

Le ghetto de Gaza et l’occupation israélienne aggravée par un régime d’extrême droite conduit à un conflit permanent et meurtrier dont personne ne sortira vainqueur ni indemne.

La terre promise des juifs, ce mythe biblique, ne s’annonce pas si promise que ça finalement et la place de la bible n’est-elle pas plutôt dans les églises et les synagogues que dans les programmes coloniaux de Cisjordanie ?

C’est sans doute pour cela que le juif Lazaro ne pratiquait aucune religion mis à part celle de l’espoir pour l’humanité (l’humanité dimanche cela va de soi).