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L’avenir compliqué du roseau pensant

mardi 12 janvier 2021, par grand-Pierre

Comment une humanité si riche de ressources cognitives ne parvient-elle pas à solidariser intelligemment le monde autour d’un projet qui pourrait la sauver ?

Toujours plus d’intelligence

- En mai 1927 mon père était accouru avec une foule enthousiaste accueillir Charles Lindbergh à l’aéroport du Bourget après la première traversée aérienne sans escale de l’Atlantique Nord. On n’en revenait pas !

- En juillet 1969, j’avais vingt-trois ans et je passais la nuit à Paris devant la télévision pour voir Armstrong et Aldrin poser le pied sur la lune.

- Cinquante ans plus tard on rentre 1000 Go (1Tb) de données dans une carte grosse comme un ongle et les algorithmes sont partout à solutionner les équations plus vite qu’aucun cerveau ne pourra jamais le faire.

- L’espérance de vie, du moins dans les pays développés, a été portée à un âge avancé et les techniques médicales actuelles nous laissent incrédules autant qu’admiratifs.

- Se rendre chez son dentiste n’a plus grand-chose de commun avec cet acte initiatique redouté devant la « roulette » qui nous faisait tant souffrir, nous les seniors, dans notre jeunesse.

Les machines industrielles robotisées offrent aujourd’hui un spectacle incroyable de précision horlogère et numérique qui n’a plus rien à voir avec les ateliers d’antan.

- Ces progrès sont énormes mais que dire de ceux accomplis en matière de communication ? Entre la pub, les réseaux dits « sociaux », les infos numériques, le Web et toutes ces images et ces sons qui circulent sans frontières, un véritable brouillard de Com nous environne en permanence pour le meilleur et souvent aussi pour le pire.

Rugby : l’essai transformé

Si belle que soit l’attaque menée par les avants du Quinze de France aboutissant à un magnifique essai, la transformation s’impose.

Un coup de pied magistral expédie le ballon ovale entre les poteaux ; les drapeaux des juges de touche se lèvent ; l’essai est transformé...

Si performante que soit devenue notre humanité, a-t-elle enfin, elle aussi, transformé son essai ? A-t-elle découvert l’alchimie nouvelle qui garantira son devenir ? Que font ces chercheurs, je devrais dire ces découvreurs, qui ont tout trouvé (ou presque) sauf le moyen de vivre en paix durablement, d’extirper la misère et la violence et de construire une planète digne du 21ème siècle ?

Mais les scientifiques, malgré leurs compétences, ne mènent pas la danse même si leur musique nous charme. En fait de danse rien ne bouge. L’inertie domine dans les relations internationales et entre le 18ème siècle et nous, la sophistication des armements a malheureusement évolué plus rapidement que les bonnes résolutions même si maintenant celles-ci sont soumises aux votes des assemblées plénières de l’ONU.

La malédiction

Y a-t-il une malédiction quelconque condamnant les hommes à rouler indéfiniment sur la montagne la pierre de Sisyphe et à la voir retomber inéluctablement vers un monde injuste et cruel discriminant les plus faibles et mettant à mal la planète et ses populations sacrifiées ? L’essai progressiste peut-il encore être transformé ? THAT is the question.

Les progrès de l’intelligence permettront-ils un jour d’échapper au retour éternel des rivalités et des conflits et bien évidemment la question se pose : Comment ces progrès pourraient-ils bien y parvenir ?

Nos vies sont bien trop brèves !

L’évolution et l’adaptation au milieu caractérisent la vie sur terre. Charles Darwin a démontré que la finitude des individus (comme celle d’ailleurs des espèces, des genres, voir des familles) est la condition de l’adaptabilité et donc de la survie.

Les descendants de chaque espèce disposent d’un patrimoine génétique pouvant-être différent de celui de leurs parents et sont de ce fait susceptibles d’acquérir une meilleure adaptabilité à leur environnement. Donc de survivre.

Nous sommes, de par notre horloge biologique, condamnés à vivre peu au regard d’un arbre par exemple et à perdre l’expérience acquise de chaque individu après sa mort. L’expérience humaine est une chose rare et précieuse car elle est de courte durée !

Chaque génération nouvelle doit donc réapprendre notre héritage culturel commun depuis le niveau zéro. Mais il y a des trous dans la raquette et tous les maux qui auraient été évitables par l’expérience acquise reviennent régulièrement à la surface lorsque celle-ci fait malheureusement défaut.

Ainsi vont les choses du temps… Un recommencement perpétuel bien qu’un peu différent. (Ici un autre article sur la question).

Un excellent exemple nous en est fourni par les nazillons qui reprennent du poil de la bête en Allemagne en ce moment (et pas seulement dans ce pays) en dépit des leçons de l’histoire et des millions de victimes que le système nazi a engendré. [1]

Les grandes peurs

Le nouveau danger, le danger universel, domine à présent bien des esprits et se précise chaque mois d’avantage : "L’anthropocène et le cortège de catastrophes annoncées pour le climat et la nature". Anthropocène qui n’aura probablement pas d’ailleurs qu’un impact climatique ou naturel. C’est désormais notre humanité qui est menacée dans l’avenir.

Certains esprits, bardés de certitudes, pensent que l’humanité ne peut pas disparaître. Pour ma part, je préfère dire qu’elle peut ne pas disparaître... Ce qui représente une certaine nuance.

La pandémie actuelle révèle la fragilité de nos sociétés, menacées par les virus certes, mais plus encore par leur moindre résilience aux crises ainsi que par l’émergence de régimes autoritaires accompagnés de retraits nationalistes.

Cela entrainera à terme une croissance accrue du complexe militaro-industriel mondial, (Voir plus bas le graphique-camembert en illustration) de multiples conflits pour l’eau, la terre arable et les ressources en général, ressources qui risquent de devenir rapidement insuffisantes si l’on considère les progrès de la démographie.

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La démographie mondiale - données

Les grandes peurs, comparables à celles du moyen-âge, et que certains démagogues savent très bien instrumentaliser, entraineront les populations vers le repli national, le régime des tribus et leur triste cortège d’autocrates et elles détruiront à terme les démocraties.

La nouvelle donne

Devant ce maelstrom qui s’entrouvre pour nous engloutir funestement, la jeune génération mondiale pourrait malgré tout changer la donne. Sa conscience sera d’autant plus aiguisée que c’est elle qui sera concernée au premier chef par cet avenir incertain.

L’intelligence "appliquée", devant le danger imminent d’un clash mondial, pourrait enfin remettre en cause dans l’esprit de la nouvelle génération les attitudes et les discours obsolètes, l’existence des réseaux mafieux, les budgets militaires faramineux, les préceptes religieux aberrants et bellicistes, l’accumulation forcenée du capital et son corolaire la concurrence aussi libre qu’implacable ainsi que la corruption endémique dans de nombreux états. [2]

Cette intelligence nouvelle pourrait enfin transformer son essai comme au rugby en fédérant au-delà du seul business commercial les échanges internationaux et en passant de cette concurrence ravageuse à une solidarité mondiale reconfigurée. Il faudrait pour cela redéfinir les paradigmes de chacun et de chaque instance internationale ce qui n’est certes pas un petit problème mais il faudra bien s’y atteler rapidement car l’organisation actuellement en place nous conduit droit dans le mur à tous les niveaux.

Pourquoi dans un tel contexte ne pas investir sur des études prospectives indépendantes, utilisant toutes les ressources de la technique et de la science, pour dessiner les contours d’une solution globale pérenne et d’une sortie par le haut des crises qui se profilent sur l’horizon ? [3] Cela coûterait-il beaucoup plus cher que les sondages électoraux pratiqués à qui mieux mieux par chaque gouvernement à travers le monde ? [4]

Aurons-nous besoin de l’intelligence artificielle pour nous indiquer la marche à suivre ou nos seuls cerveaux suffiront-ils à la besogne ?

Ce serait, à minima, le début du commencement faute de mieux pour ce gigantesque chantier de remise en sécurité de l’humanité.

 [5]

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Armement stratégique mondial

Menaces sur les privilèges

On ne peut évoquer une reconfiguration mondiale de l’organisation sociale sans parler des privilèges acquis par certaines classes ou certains individus. Et, au-delà des privilèges, tout simplement de l’emploi qui pour certains devrait être reconverti ce qui n’est pas toujours évident. [6]

Les grandes révolutions ont le plus souvent échoué à réaliser leurs objectifs à cause d’une transition improbable vers cette réorientation, transition freinée par la multiplicité des intérêts divergents.

Les "grands" pourront-ils dominer indéfiniment le monde ?

Face à ces freins multiples et variés qui ralentissent la transition "intelligente" et face à la puissance des états dominants, il existerait pourtant un levier puissant : Le boycott international.

Aucune nation, fût-elle même très puissante ne peut subir sans grands dommages un boycott dur sur le long terme. [7] Les échanges sont devenus tellement incontournables et les approvisionnements si essentiels que le boycott unitaire est aux nations ce que le siège était autrefois aux places-fortes : Le début de la fin. [8]

Tous les pays sont donc quelque part interdépendants et ceci plus que jamais. La puissance militaire ne serait donc plus l’argument ultime et les décisions internationales, si elles étaient consensuelles et appuyées sur des actions de boycott concertées, pourraient changer radicalement la donne.

Reste bien évidemment la puissance économique qui va de pair avec le militaire ; arme redoutable lorsqu’elle est utilisée à des fins de domination impérialiste. Reste également le verrou du Conseil de sécurité de l’ONU dont les cinq membres permanents disposent du droit de veto. [9]

La confiance

Suis-je devenu un bisounours en tenant de tels propos favorables à l’émergence d’une nouvelle intelligence ?

Pas forcément. Je ne suis pas totalement naïf ou rêveur. Mais pour notre avenir commun, il n’y a guère d’autre alternative que l’intelligence appliquée ou le chaos.

Ainsi qu’aurait à gagner chaque nation dans une crise mondiale sans précédent que les dirigeants politiques en place ne pourraient même plus résoudre ? Se faire la guerre ne serait plus d’aucune efficacité, même pour l’accès aux ressources si tout le système s’effondrait sur lui-même comme cela risque bien d’arriver un jour prochain.

Il faudra, puisque l’homme est responsable de l’anthropocène qu’il se mette rapidement à assumer ses responsabilités à l’aide de cette nouvelle intelligence qu’il a lui-même révélé car aucune lampe d’Aladin ne pourra le faire à sa place. Il faudra que la confiance devienne l’arme absolue du 22ème siècle ou bien nos arrière-petits-enfants vont connaître l’indicible…

Nous ne maîtrisons plus l’agenda de la terre. Les échéances arrivent à toute vitesse, climatiques et bien d’autres encore.

Quant à celle qui concerne le remboursement des dettes, si nous retournions nos lorgnettes dans l’autre sens, elle nous paraîtrait bien dérisoire par rapport aux enjeux environnementaux.

Il y a donc finalement une alternative à la violence, à la bêtise, à la corruption, au chaos et à la destruction : l’intelligence collective appliquée.

La route qui mène à cette gouvernance intelligente du monde est encore bien longue et le pouvoir des esprits conscients est hélas très loin d’être universellement partagé.

Mais patience, tout évolue cher Darwin et nos histoires respectives sont en pleine accélération. [10]

Alors, intelligents de tous les pays, unissez-vous !

Unissez-vous, oui,... mais avant que d’autres imbéciles aient tout fracassé et laissé la planète en ruine.


[1S’ils avaient pu vivre les débuts du nazisme triomphant à Nuremberg et sa fin dramatique à Berlin en 1945, il en serait probablement autrement.

[2Je ne vais pas ici entrer dans le détail de cette analyse ayant au fil de ce blog suffisamment bassiné mes lecteurs à ce sujet !

[3Vous me répondrez que cela existe probablement déjà à petite échelle mais alors pourquoi n’en entend-t-on jamais parler ?

[4Exception faite des dictateurs qui ne sont pas des consommateurs de sondages de popularité

[5Sur ce graphisme on constate que les Etats-Unis d’Amérique consacrent à leur défense presque autant que toutes les autres nations confondues (soit, toutes nations hors USA 875,3 Mrd/$ contre 731Mrd/$ pour les seuls USA - En tout pour la planète > 1607 Mrd/$ consacrés aux budgets militaires)

Et il y a soixante ans déjà :

Wikipédia : Dwight David Eisenhower, président des États-Unis de 1953 à 1961.
Son discours de fin de mandat, prononcé le 17 janvier 1961 et retransmis via la télévision américaine, reste connu sous le nom de "Military-Industrial Complex Speech"
Extrait : « Dans les conseils du gouvernement, nous devons prendre garde à l’acquisition d’une influence illégitime, qu’elle soit recherchée ou non, par le complexe militaro-industriel. Le risque d’un développement désastreux d’un pouvoir usurpé existe et persistera. »

[6Une démilitarisation même partielle, par exemple, entrainerai la reconversion de nombreux personnels militaires.

[7Exemple l’Iran

[8Excepté pour les nation auto-suffisantes en matière de ressources et de technologie, mais il ne doit pas en exister beaucoup !

[9Etats unis d’Amérique - Royaume Uni - République française - Fédération de Russie - République populaire de Chine. Page Wikipédia sur le Conseil de sécurité

[10(Comme l’évoquait déjà Karl Marx au 19ème siècle ; ce qui place quand même cette accélération sur le long terme !)