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Le monstre doux

lundi 27 septembre 2010, par grand-Pierre

Raffaele Simone > Essai > Le monstre doux - L’occident vire-t-il à droite ? Vient de sortir en France (Gallimard).
Réflexions à propos de l’article du Monde magazine sur ce sujet (11 septembre 2010).

Un monde où le consommateur a remplacé le citoyen, où le divertissement supplante le réalisme et la réflexion, où l’égoïsme règne serait favorable, d’après Raffaele Simone à la droite nouvelle car ses intérêts sont associés à la réussite de la consommation et de la mondialisation, pleine de promesses.

Tocqueville savait déjà !

Alexis de Tocqueville [1] décrivait déjà au 19ème siècle dans son ouvrage "De la démocratie en Amérique" ce qui pourrait être une version antérieure du monstre doux : (...) Un autoritarisme plus étendu et plus doux qui dégraderait les hommes sans les tourmenter.

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Tocqueville

Et aussi : Les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent pas - Ce nouveau pouvoir transformerait les citoyens américains de l’époque qui se sont battus pour la liberté en : une foule innombrable d’hommes semblables (...) qui tournent sans repos pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs...

Il s’agit donc bien là du monstre doux, celui qui, de nos jours en Europe, s’appuie sur une droite anonyme et diffuse, associée au grand capital national et international, puissante dans les médias et visant à l’expansion de la consommation et du divertissement par une forme de réussite individuelle.

L’Europe roule à droite

Actuellement, la carte géopolitique du continent européen est presque entièrement bleue. Droite et libéralisme se partage donc et ceci depuis peu l’espace du drapeau bleu étoilé mis à part un peu de rose en Espagne et en Grèce, pays qui d’ailleurs se portent très mal actuellement...

Carla BruniCe monstre, selon Simone, impose la modernité à travers trois commandements : La consommation, le divertissement et le culte du corps. Or, associés au développement vertigineux de la toute puissance de la télévision et des écrans virtuels informatiques, à celui de l’individualisme et du consumérisme (ce dernier encouragé par un marketing omniprésent), ces trois commandements éloignent de plus en plus les citoyens des valeurs de la gauche. Pourquoi ?

Une gauche en panne

Depuis des années la gauche n’a rien proposé de neuf et d’adapté à la modernité, elle s’est contentée de répéter des formules toutes faites. Le constat, bien qu’un peu cruel pour les militants qui se sont investis dans les luttes, n’est pas faux. Face aux nombreux changements cités plus haut les propositions sociales de la gauche - égalité - solidarité et redistribution - apparaissent dépassées à l’individu comme au consommateur. De plus ces valeurs, si nobles soient elles sont connotées avec le passé communiste et l’effondrement brutal et grotesque de l’URSS et des pays de l’est.

Entre l’accompagnement complaisant du libéralisme social-démocratique et la révolution du fameux "grand-soir" prônée par les groupuscules la gauche n’a pas produit une image lisible et surtout crédible pour le citoyen européen du XXIème siècle.

Une gauche nouvelle ?

Citons pour terminer et en espérant que vous serez nombreux à lire le livre de Simone sa propre conclusion :

(...) Une nouvelle gauche me semble-t-il aura beaucoup à faire si jamais elle doit encore exister sous ce nom. A mon sens, elle devrait rompre avec la vieille gauche, sans renier les valeurs historiques de la gauche non communiste. Elle devrait réaffirmer ses valeurs, sans les édulcorer, les adapter à notre époque, réparer les méfaits culturels profonds du "monstre doux".

Vaste, immense programme ! Affirmer le rôle de l’état dans la régulation des excès du marché et du capitalisme financier. Mettre en place des services publics forts. Investir dans des universités et des écoles de haut niveau. Défendre radicalement la laïcité contre les intrusions religieuses. Assurer durablement et sans laxisme la sécurité des citoyens. Soutenir puissamment la recherche. Appuyer la création de médias et de télévisions de qualité.

La nouvelle gauche devrait s’inspirer des expériences de la social-démocratie du Nord de l’Europe (Un compromis historique à l’italienne ?) qui a rompu avec le vieux paradigme de l’assistanat et de l’état providence, pour promouvoir l’émancipation de chaque individu, sans en abandonner aucun, en corrigeant l’inégalité sociale par l’entraide, ce mot qui, à l’époque du monstre doux sonne comme un vocable de gauche.

Mais cette conclusion bute quand même sur l’exemple cité par Simone car en Suède actuellement, la montée de la droite et de l’extrême-droite "La Suède aux suédois"est très préoccupante après que la gauche ait perdu le pouvoir en 2006. On peut raisonnablement se demander si la social-démocratie "du Nord" a réalisé les objectifs d’une nouvelle gauche pour en arriver là ?

La vie continue...


[1Alexis-Henri-Charles Clérel, vicomte de Tocqueville, né à Paris le 29 juillet 1805 et mort à Cannes le 16 avril 1859, est un penseur politique, historien et écrivain français. Il est célèbre pour ses analyses de la Révolution française, de la démocratie américaine et de l’évolution des démocraties occidentales en général. (Source Wikipédia)