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Retraites : La démocratie abimée de la France

dimanche 16 avril 2023, par grand-Pierre

L’autoritarisme semble partout dans le monde, prendre le pas sur la démocratie. En France la montée de l’extrême droite encourage le gouvernement à se montrer insensible à la volonté populaire en exerçant des méthodes autoritaires et anti-sociales à la limite de la légalité.
Espère-t-il de cette manière se maintenir au pouvoir et capter les voix du RN ?

Un bien mauvais calcul

De même que pour le problème de la petite délinquance en zones urbaines périphériques, la répression policière des manifestations ne pourra régler la situation catastrophique dans laquelle est plongée notre démocratie. Elle va contribuer au contraire à radicaliser les forces de l’ordre dont la moitié des effectifs est déjà sensible aux sirènes du RN. (Et en plus à énerver d’avantage les quelques excités des Black Block). [1]

Je peine à comprendre la fuite en avant de la Macronie avec sa réforme des retraites ; réduisant le parlement à une chambre d’enregistrement, intervenant sur un fond de tableau social très tendu, après la pandémie, après les révoltes des gilets jaunes, tandis que la guerre sévit aux portes de l’Europe et provoque une flambée de l’inflation.

Mais enfin, pourquoi passer par profits et pertes la critique par près de 80% des français de cette réforme des retraites ? Pourquoi traiter les syndicats unis comme des gêneurs plutôt que des partenaires sociaux incontournables dans toute société apaisée ?

Serait-ce faire preuve d’une grande naïveté que de penser que la mise à l’équilibre à moyen terme du budget des caisses de retraite puisse se faire dans la concertation préalable et se régler tranquillement et progressivement sans s’en prendre directement et exclusivement aux travailleurs ? Ce n’est tout de même pas une pomme de la discorde nationale comparable à l’affaire Dreyfus non ?

L’image des politiciens n’est-elle pas encore assez abîmée dans l’esprit des électeurs pour en rajouter une couche ? Le président Macron est-il conscient qu’en agissant de la sorte il provoque une colère citoyenne qui risque de se retrouver dans les urnes et porter Marine Lepen au pouvoir ? Ou bien Macron cherche-t-il à « mater » les oppositions populaires pour le compte de ses amis de la banque ?

Dans ce contexte ubuesque les électeurs pourraient aussi voter avec leurs pieds plus que d’ordinaire ce qui poserait un gros problème de représentativité pour les élus.

Cette politique « frontale » est très médiatisée. Pourtant certaines décisions le sont beaucoup moins car elles sont plus insidieuses et souvent méconnues du grand public.

Le COR (Conseil d’Orientation des retraites)

Le COR [2] avait rendu un rapport annuel sur le financement des caisses de retraite prenant en compte différentes solutions envisageables afin de pérenniser le système par répartition.

Le 19 janvier dernier, Pierre-Louis Bras (Président du COR) s’était exprimé devant la commission des Finances de l’Assemblée. Il avait indiqué que les dépenses des retraites « ne dérapent pas » et que « sur le long terme, elles diminuent dans trois hypothèses sur quatre ». [3] Une petite phrase prononcée au cours d’un long rapport et qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

Cette simple évocation a déclenché les foudres de la première ministre qui prétend en privé « réorganiser ce conseil qui n’aurait pas été assez clair sur la nécessité urgente d’une réforme ». On comprend pourquoi.

L’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire)

Cet institut de 1300 salariés dont de très nombreux et très compétents chercheurs, pratique les recherches, les contrôles, les diagnostiques qu’il transmet aux autorités compétentes. Par exemple à l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) qui est habilitée à décider des solutions en cas de problème.

Un projet de loi envisage la réunion de ces deux organismes en un seul. Au motif de l’amélioration des compétences et des services.

De mauvais esprits y verront la volonté de limiter l’indépendance de l’IRSN au moment de construire de nouveaux EPR et pour le gouvernement de s’affranchir éventuellement de retards à l’exécution dus aux contrôles un peu trop indépendants de l’IRSN.

Le HCC (Haut Conseil au Climat)

Climat de malaise au HCC. Publications réduites. Complaisance à l’égard du gouvernement dénoncée et départ des analystes. Une réorganisation est en cours sous la responsabilité d’Elisabeth Borne dont ce conseil dépend.

On comprend mieux lorsque l’on apprend que les ONG utilisaient ces rapports pour leurs critiques de l’action gouvernementale.

Cynisme de rigueur

Ces « aménagements » en cours ou à venir ressemble beaucoup à une mise en ordre des différents organismes de l’état plutôt qu’à une amélioration quelconque. Souvenons-nous de la tentative de Nicolas Sarkozy de supprimer la fonction de juge d’instruction, lui qui se retrouve actuellement mis en examen...

Mais le cynisme c’est aussi s’en prendre par calcul aux plus pauvres.

La stratégie du gouvernement face aux mouvements sociaux ne date pas d’hier et en ce sens la Macronie n’a rien inventé de nouveau. Fort de sa légitimité (Pourtant très relative : Rappelons que le président n’a été élu que par 20,4% des inscrits) et de l’appui d’une force publique pléthorique il passe « à l’arrache » et se garde bien de répondre aux demandes des manifestants et des grévistes afin de jouer « la montre ».

Il n’ignore pas que de nombreux salariés ont des fins de mois rendues plus difficiles à cause de l’inflation et que les jours de grève leur coûtent très cher. A l’instar de ces armées féodales assiégeantes il escompte froidement sur l’asséchement des ressources des plus fragiles économiquement pour que le calme revienne et que ceux-ci soient contraints de reprendre le travail en courbant l’échine.

L’épisode désolant du passage de la loi devant le conseil constitutionnel a simplement permit de temporiser et de faire passer la contestation en arrière-plan. Ce conseil composé de membres issus de ministères ou d’anciens présidents ne délibère que sur l’aspect strictement juridique de la loi et non pas sur la pratique globale anti-démocratique du gouvernement. Son caractère indépendant de l’exécutif est hautement discutable...

Ni droite ni gauche

Le candidat qui se vantait de n’être ni de droite ni de gauche mais : « En même temps » nous avait donc menti. Il est bien de droite et les élus de gauche qui l’avait suivi à l’époque de « En marche » s’apprêtent sans doute aujourd’hui à quitter ce navire qui prend l’eau...

Souvenons-nous de cet aphorisme définissant le centre : Au centre, il n’y a ni gauche... Ni gauche. Mais il s’y trouve parfois des banquiers.

La relative jeunesse de ce président et son égo un poil surdimensionné l’ont amené à commettre certaines lourdes erreurs sur le théâtre international. Il surjoue le rôle diplomatique de la France comme si celle-ci n’était pas en déclin. Il commet un faux-pas en s’instituant délégataire de la politique européenne envers les Etats-Unis. Il tente une négociation après l’invasion de l’Ukraine où il se ridiculise devant Vladimir Poutine. Bref, il ne fait pas le job !

Et maintenant il met le feu au pays alors que sa réforme n’avait aucun caractère d’urgence à entendre les experts.

Le rêve de Macron

Au cours de ses insomnies, juste avant de signer (à trois heures du matin) le décret d’application de la réforme des retraites avalisé par le Conseil Constitutionnel, il a probablement rêvé, en contemplant les ors de la République ornant ses plafonds élyséens, de se voir un beau jour en président russe, face à une « Douma » en phase cryogénique avancée à moins que cela ne soit en un XI Jinping président le « Congrès national des représentants du peuple de la république populaire de Chine », congrès passé champion des records battus à l’applaudimètre (avec sourires de rigueur) à égalité avec celui de la Corée du Nord, mondialement reconnu pour sa démocratie participative.

Et dire qu’en France lorsque cela remue un peu fort à l’assemblée certains osent prétendre que c’est inacceptable ! [4]


Il faut espérer que les JO de 2024 à Paris ne verront pas la fête gâchée par ceux que le gouvernement a traité par le mépris aujourd’hui...


[1Le ministère de l’intérieur estime le nombre de policiers et gendarmes blessés depuis le début des manifestations contre la réforme des retraites à un millier. Ce chiffre doit valoir aussi pour les manifestants mais il est impossible à évaluer précisément à cause de sources disparates ou de non déclaration de la part des intéressés. Les blessures par flashball ou grenade de désencerclement, moyens largement utilisés, sont parfois assez, voir très graves. (Un manifestant blessé à Ste Soline en coma profond).

[2Organisme indépendant rattaché à Matignon.

[3Nous parlons ici des dépenses et pas du financement nécessaire à l’équilibre des budgets.

[4André Chassaigne PCF.