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Un bien beau pays, la France

jeudi 17 décembre 2015, par grand-Pierre

On ne parle jamais des pico-Christ sur les plateaux de télévision. Ce serait pourtant bien intéressant en comparaison d’avec les débats post électoraux qu’on nous sert et qui ne nous apportent pas grand-chose d’autre que du vent.

Des cartes rebattues et embrouillées à souhait

Dans le clair-obscur matutinal, mon doigt engourdi et maladroit rencontre enfin le bouton de la radio et j’apprends que monsieur Claude Bartolone est violemment pris à partie par madame Pécresse pour l’avoir accusé à tord de défendre la race blanche... Ah bon ? Quel scoop vraiment !

Bonjour madame la boulangère, une baguette, oui merci... La conversation, après un détour inévitable par la météo locale grisounette, dévie plus ou moins rapidement sur les sujets du jour qui fâchent. Le monde ce matin du quinze décembre deux-mille-quinze a pris une teinte plombée.

Un peu plus loin dans le jour grisâtre qui se lève sur ce surlendemain des élections régionales, un jeune cadre excité du PS nous informe sur le poste qu’il y a une urgence sociale à traiter. Ah bon ? Ah ben mince alors ! Pas possible ? Et il achève : Et électorale. Nous avions compris camarade.

Tout un petit monde branché se coupe la parole à qui mieux mieux sur les plateaux télé pour nous livrer son analyse de la déculottée des partis dits "républicains" dans les urnes. Mais les mots de finance et de capitalisme ultra libéral y sont tabous et n’y ont pas droit de cité. Entre personnes de bonne compagnie, cela ne se fait pas ! Parlons donc d’autre chose SVP...

Les auditeurs intéressés sont donc priés de comprendre toutes les finesses des stratégies électorales, de saisir toutes les combines d’arrière cuisine, tous les points de détails du grand cirque politique. Un peu plus et ils pourraient avoir l’impression de faire partie du staff de campagne des candidats ! C’est significatif d’une classe politique totalement déconnectée qui n’a plus de projets d’avenir mais que des stratégies électorales à faire valoir.

Quelques jours après, ces fameux staffs ont pondu leur petit œuf : Le premier ministre annonce d’une voix virile un grand plan de formation pour les chômeurs. Ouaf ! Mort de rire ! Parlez-en donc avec vos copains qui bossent à Pôle emploi... Ils connaissent déjà ! Combien de formations avaient donc effectué les frères Kouachi avant de mitrailler le staff de Charly Hebdo ? [1]

Mille garde-frontière supplémentaires pour demander leur papiers à ceux qui n’en ont pas... Mort de rire.

Les critiques fusent. De partout. La droite réclame plus de réformes pour le bien de notre économie. Plus de réformes ultra-libérales va sans dire... Plus de flexibilité, d’ouvertures le dimanche, plus de facilités pour licencier etc.

L’extrême droite, mouton noir à la blanche toison réclame la même chose que le Front de gauche. Ah bon ? Ah ben mince alors ! Elle engrange malgré tout vingt points de plus aux dernières régionales... Vous souvenez-vous de la belle pomme brillante à souhait que la sorcière présentait à Blanche-neige ? Belle analogie n’est-il pas ? Au lendemain, si glorieux pour eux des élections régionales, les camarades vichyste ont pu entonner en cœur : "Po-po-po-pomme" de la patri-i-i-e car notre belle France, séduite par la méchante sorcière, a croqué dans ce fruit délétère.

La gauche aux manettes n’y est plus vraiment beaucoup, tellement peu en fait qu’elle n’hésite pas à se retirer du second tour des élections dans certaines régions et à abdiquer au profit de la droite pour "sauver la république". Quelle hauteur d’âme quand même. Les électeurs de gauche apprécient qui n’auront plus que la droite et l’extrême droite à élire le jour du scrutin.

Et ainsi, au fil de l’actualité, le bon peuple de France prend petit à petit conscience que son beau, son grand pays est en train de prendre l’eau et n’est finalement dirigé qu’à la marge, sans que les gigantesques intérêts dominant l’économie et responsables majoritairement de la crise qui perdure ne soient remis en cause par une élite désormais à leur botte. Merci monsieur Macron. Ce bon peuple au boulot ou qui plutôt, souhaiterait en avoir, mérite-t-il d’être montré du doigt pour s’abstenir de voter ou avoir déposé dans les urnes un bulletin FN ? La question est posée malheureusement. Nos donneurs de leçons démocratiques en auraient peut-être eux-même à recevoir. En attendant les coups de pied au cul qui se profilent en 2017.

Qui sont donc les pico-Christ ?

Saturé de ces commentaires sans grand intérêt sur les ondes, exaspéré par les prises de parole politiques insipides, j’éteins tous les postes. Mes obligations ce jour là me conduisent à la maison de retraite pour apporter les chocolats de Noël aux pensionnaires. J’y rencontre une femme qui y a travaillé dix-sept ans, âgée maintenant de soixante-dix-huit ans et qui vient en renfort de l’équipe pour donner de son temps de retraite pour les fêtes. Elle me dit combien les bâtiments sont modernes maintenant, elle qui a commencé a y travailler dans un cadre beaucoup plus austère. Elle me dit aussi que pour faire ce travail, le salaire ne suffit pas. Il faut aussi aimer les gens. Ah...?

La mythologie chrétienne nous assure que le Christ sur sa croix a porté tous les péchés du monde. En y regardant de plus près, il existe aussi de nombreux mini-Christ qui œuvrent de nos jours au quotidien, mais plus anonymement ceux-là que celui qui serait parait-il monté sur les planches deux millénaires auparavant. Ils travaillent au bien commun et sans en faire étalage plus que ça. Ceux-là ne consacrent pas forcément leur existence entière à faire fructifier leur bien ou à admirer la forme de leur nombril. Ils ont ce sentiment d’altérité en eux qui les anime. Ce sentiment les grandit lorsque leur troupe nombreuse participe à tous niveaux à lubrifier l’espace social, à apporter de l’humanité, dans des conditions souvent très difficiles, là ou justement il en manquait.

Micro-Christ ils le sont bien, ou même pico-Christ, [2] car toute la misère du monde serait bien trop lourde pour leur frêles épaules et ils n’en peuvent supporter qu’une infime partie. Ils sont pourtant le socle humain sans lequel aucune société viable ne pourrait prétendre exister. A des années-lumières du miroir aux alouettes politico-médiatique, irrécupérables, non manipulables, non interviouvables, nous en croisons tous les jours autour de nous qui assument en silence une existence utile aux autres. [3]

Quel contraste avec tous ces lavedus qui se sont hissé, à coup de promesses non-tenues jusqu’à la représentation parlementaire mais ne comprennent plus rien depuis longtemps à la société civile qui’ils sont censés représenter. Les qualités nécessaires pour y parvenir n’ayant pas grand-chose à voir avec le sacrifice ultime de Jésus même si leur ascension peut s’apparenter à un chemin de croix dans certains cas !

Nombreuses sont les activités qui requièrent une vocation pico-christique : Profs, élus de base, associatifs, soignants, secouristes, animateurs sociaux, retraités et bénévoles, militants inspirés par leur juste cause, et tous les anonymes. J’en oublie certainement. On pourrait compléter cette énumération avec ceux qui sont confrontés jour après jour, dans leurs services ou derrière leurs guichets à des personnes que l’intensité de leurs problèmes rendent difficiles à gérer. Justice, police, pôle emploi et bien d’autres qui rament au contact d’une réalité souvent sordide.

Mais finalement, tous ces gens qui vivent avec et pour les autres, ou qui s’occupent des autres ; cela ne fait-il pas quand même un beau pays ?

Le contraire en somme de la discorde et de la haine.


[1Un peu facile c’est entendu mais il est exact que les frères Kouachi ont reçu des formations (sport et hôtellerie)

[2Un millième de milliardième de Christ !!!

[3Soyons justes. Lorsqu’ils écrivent un bouquin et que leur notoriété grandit, nous pouvons quand même en apercevoir de temps à autre à la télévision !