Le blog de Grand-Pierre

Je panse donc j’essuie (Devise du palfrenier) Un blog indépendant des réseaux sociaux.

Accueil > De tout et de rien > Qui est "Charlie" et qui ne l’est pas ?

Qui est "Charlie" et qui ne l’est pas ?

Réflexions sur le massacre de la rue Nicolas Appert

vendredi 9 janvier 2015, par grand-Pierre

La France se réveille avec des bleus à l’âme

Rassemblement en hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie hebdo
Dimanche 9 janvier, 15 heures
LE VIGAN, devant la Communauté de Communes
Parcours : accrochage d’une banderole au pont sur la déviation, sous-préfecture, parc des Châtaigniers, mairie (prises de parole)

Chicago à Paris

Des images de guerre digne du Chicago de la prohibition envahissent nos écrans, mais le règlement de compte cette fois-ci ne concerne pas de vulgaires bootleggers mais la rédaction d’un journal satirique en plein cœur de la capitale et les clients israélites d’une supérette casher à Vincennes.

Au delà du traumatisme ressenti par les français et j’écris ceci après que la police ait assaisonné les trois assassins, comment lever quelques voiles sur cet événement ?

Comment comprendre quelle mauvaise alchimie à l’oeuvre dans notre pays et par le monde a pu aboutir au meurtre prémédité et froidement exécuté de ces humoristes contestataires qui ne se privaient pas de caricaturer le prophète Mahomet en toute liberté ? Cette liberté chèrement acquise par les luttes et dont la république est garante. Du moins le pensait-on jusqu’à maintenant.

Ils avaient sans doute aussi bouffé bien des curés auparavant mais n’en avaient pas perdu la vie pour autant. Leurs exécuteurs eux, apparemment peu instruits, n’ont pas transigé avec leur loi coranique à la sauce islamique, en appliquant le châtiment suprême aux blasphémateurs. [1]

Le coup vient il de près ou de plus loin ? De près parce que les assassins étaient chez nous. De loin parce que Al-Quaïda au Yemen serait impliqué.

De près et de loin

De près, nous avons en France notre réservoir de vocations "islamiques". Je ne veux absolument pas parler des musulmans dans leur ensemble et surtout ne rien amalgamer. Le réservoir, c’est le chômage des jeunes qui atteint 50% dans certaines cités. C’est l’absence des repères républicains ou citoyen dont ces jeunes ne conçoivent pas ou plus l’utilité. [2] Sans échelle sociale pas de salut et la crise capitalistique en a brisé pour eux les échelons un par un. L’exclusion voir le rejet par une société où même les plus diplômés connaissent des difficultés à trouver un emploi se dressent devant ces enfants devenus ados puis adultes.

De loin, car le terrorisme international prospère sur les ruines de guerre et sur le désespoir des peuples. Ces guerres aux racines historiques qui n’ont jamais vraiment cessé depuis les croisades du XIème siècle, le Saint empire confronté à l’empire Ottoman et plus près de nous les guerres d’Algérie, d’Afghanistan, de Yougoslavie et d’Irak. [3]

Il faut rajouter à cette liste les "printemps" arabes, égyptiens, tunisiens et syriens en révolte contre les tyrans, printemps particulièrement ensanglanté par Bachar el-Assad en Syrie où les djihadistes font figure d’opposants à l’arbitraire et au génocide.

Le nœud gordien se situant bien évidemment quelque part entre Israël et la Palestine, encore et toujours entre l’occident et l’orient.

Ce qui nous permet de vivre ensemble

Que l’on soit lecteur ou non de Charlie hebdo, que l’on se situe ou non par rapport aux religions, aux communautés, à la politique, nous pouvons vivre ensemble parce que des citoyens ont lutté, parfois au péril de leur vie, pour les libertés et les droits de l’homme. Que l’on soit hétéro, bi ou homosexuel, de couleur ou pas, diplômés ou non, il est possible de se se côtoyer avec un égal respect. Mais la terrible menace qui pèse sur nos épaules de citoyens du XXIème siècle, ce serait que se délitent les valeurs de cette société laïque et républicaine à la faveur d’une crise économique et sociale. Ce serait que l’internationalisation des haines submerge notre république.

Nous y perdrions tous énormément au profit des hyènes qui se régalent d’avance à la pensée de se jeter sur cette société en décomposition. C’est pour ces raisons que les urnes ne devraient plus être désertées par des électeurs désabusés. (lien vers l’article à propos de l’abstention) Pour cette raison aussi qu’une nouvelle république devrait voir le jour enfin !

Celui qui dit qu’il n’est pas Charlie

Le président d’honneur du Front national, Jean-Marie Lepen a déclaré samedi : "Et bien moi, je suis désolé, je ne suis pas Charlie./.../ Je ne vais pas me battre pour défendre l’esprit de Charlie qui est un esprit anarcho-trotskyste parfaitement dissolvant de la moralité politique".

Bien pauvre rhétorique, face aux 3,7 millions de français qui sont descendus calmement dans les rues pour dire leur amour de la liberté. Ces citoyens remplis d’une grande et sincère émotion ne sont pas, monsieur Lepen des anarcho-trotskystes. Par contre vous-même, qui êtes-vous ?

Terrain glissant et virage dangereux

Nombreuses sont les consciences à craindre que l’engrenage de la violence ne dégénère au profit des trois piliers du véritable axe du mal [4] : "La haine, le racisme et le fascisme".

Accrochons-nous plutôt chers concitoyens à cet idéal commun à ceux qui aiment la paix et accessoirement leur prochain (lorsqu’ils relèvent cinq minutes le nez de leur Smart phone et enlèvent leurs oreillettes). Réalisons l’unité de notre société par la base, entre nous, français de toutes origines, et sans arrières-pensées derrière le front...

La liberté - (ajout du 14 janvier)

Mais depuis ces odieux attentats, comme on pouvait s’y attendre, les analyses et les commentaires ont été si nombreux que cela pourrait devenir lassant à la longue.

Alors, pour y aller du mien, après avoir pris un peu de recul sur l’événement, j’ajouterais ceci :

La liberté n’est pas uniquement celle de caricaturer qui l’on veut. Ni celle de vendre des bouquins fort à propos.

Les médias s’engouffrent sans discernement dans ce piège posé entre les intégristes islamiques et les dessinateurs de Charlie hebdo. On doit bien sûr avoir la liberté de caricaturer tout et n’importe quoi, mais avez-vous vu dans mon blog fleurir des caricatures de Mahomet ? Non. Car je n’éprouve pas le besoin irrépressible de heurter la sensibilité de mes voisins musulmans. Délicatesse ou faiblesse ? A vous de juger.

La liberté, puisqu’il en est question, c’est aussi le droit au logement, le droit au travail. C’est également l’égalité pour tous et des services publics qui ne soient pas à deux vitesses ; c’est moins de lobbies au service du fric, moins de corruption, une société qui ne joue pas avec des dés pipés... La liberté, la vraie, c’est un ouvrage à remettre continuellement sur le métier et qui s’arrête là ou commence celle des autres comme nous le serinaient à longueur de classe nos braves instituteurs du temps où ils n’étaient pas encore devenus des professeurs d’école.

Ces instituteurs pour lesquels la laïcité était une chose sacro-sainte (si je puis m’exprimer ainsi) alors que le débat actuel nous rebat les oreilles avec une expression théologique opportuniste et bien pensante. Certains proposent même un nouveau concordat afin de financer des instituts musulmans à vocation pédagogique ! J’ignore ce que peut en penser Wolinski en train de croquer ses 72 vierges, cadeau d’Allah, installé ad patres sur les beaux nuages blancs du paradis des chrétiens ?


[1Saïd et Chérif Kouachi, orphelins de bonne heure et pris en charge par les services sociaux ont pu suivre des formations en restauration (CAP) en électrotechnique (BEP) et en éducation sportive (BES).

[2Seulement dix pour cent du savoir des élèves contemporains émanerait des enseignants ou de la parentèle ; le reste de leur culture proviendrait des réseaux sociaux et de l’Internet où il est bien difficile de faire un tri cohérent de l’information pour ces jeunes. Voir notre article à ce sujet

[3Guerres qui ont permis la mise en place en Europe les filières du trafic illégal des armes.

[4Une mention toute particulière à messieurs Busch, Volfovitz, Rumsfeld, le général Powell et Cheney, sans oublier madame Rice, combattant en cœur l’axe du mal et responsables de la guerre d’Irak pour tout le bien qui en a résulté par la suite (!) et tout le terrorisme qui s’en ait ensuivi, ceci en l’absence totale de ces armes de destruction massive qui avaient servi de prétexte à l’invasion de ce pays.